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Randonnée pédestre N°1: Jardins de Latour et chapelle de St Martin
- Détails
- Publié le: 05/01/2009
- Auteur: Philippe Garcelon
Chaque fois que cela m’est possible, je participe aux randonnées que propose le « Pari du Lac ». Ces moments conviviaux et de détente me permettent de m’éloigner quelque peu des sites touristiques trop « institutionnels ». En effet, ces derniers, identifiables par leur omniprésence sur un grand nombre de dépliants à l’attention du public, sont devenus comme autant de passages « obligatoires », faire-valoir trop souvent asservis aux besoins consuméristes d’un tourisme-business dont la finalité s’affiche bien davantage dans le matériel et le quantifiable que dans le registre du sensible.
Ainsi, il m’est arrivé de succomber à cette frénésie et de participer à ces marathons touristiques, durant lesquels au cours d'une même journée, on se retrouve canalisé, enfilant divers musées au pas de charge, prenant au vol les traditionnelles photos devant les « incontournables » architecturaux ou, accoudés à quelque rambarde devant des sites supposés « exceptionnels » on pose comme pour bien attester "qu'on y était", tout cela pour généralement finir par ouvrir notre porte-monnaie afin acheter n’importe quel bibelot sur un marché dit " local " pour se rendre compte, en arrivant chez soi, que l’article supposé artisanal que l'on vient d’acquérir, porte sur une face cachée la mention R.P.C, autrement dit : "République Populaire de Chine".
J’ai trop souvent éprouvé cette sensation de passer « à côté » des lieux que je visitais, pour souhaiter couper court à cette frustration en essayant de me rapprocher autrement tant de l’histoire de ces lieux que de celle de ses occupants.
Les promenades avec le Pari du Lac me donnent cette occasion, que je souhaite ici partager à travers ce premier itinéraire pédestre que nous avons effectué en avril 2008, à une époque où ce site n’avait pas encore vu le jour.
Le parcours de cette randonnée se décline sur environ 8 kilomètres et sur une durée approximative de 3 heures. Le plan sur lequel j’ai tracé notre itinéraire provient de « Google Earth » et me semble amplement suffisant pour ne pas s’égarer durant la promenade.
Point 1 : (Alt: 115m) Latour-de-France sera notre point de départ et d’arrivée. En venant de Caramany, il faut franchir le pont et remonter vers le village pour prendre la première voie, tout de suite sur la droite. Nous pouvons alors trouver une place pour garer notre véhicule. A partir d'ici, nous continuons en montant très légèrement sur quelques dizaines de mètres pour emprunter le chemin sur notre droite (chemin de Sainte Eulalie) qui se dirige en descendant dans la direction des bords de l’Agly.
Nous allons suivre ce chemin carrossable sur environ 1,5 km, tout en découvrant une succession de terrains plantés d’arbres fruitiers ou investis par des jardins potagers. Bien qu’aujourd’hui, une partie de ces lieux soit parfois laissée à l’abandon, quelques indices nous permettent d’imaginer ce qu’ils furent au début du siècle dernier, lorsque la population devait encore elle-même pourvoir à ses besoins alimentaires ou ne serait-ce qu’en raison de la présence d’un canal d’arrosage à partir duquel une multitude de rigoles secondaires se perdent sur les innombrables parcelles clôturées ou ceintes par de petite haies. Ici, les jardins tirent leur richesse des dépots fertiles déposés sur cette rive droite de l’Agly, lorsque le fleuve en crue quitte son lit et déborde de la berge pour dispenser sa précieuse manne alluvionnaire.
A propos des canaux que nous longeons lors de notre parcours, et pour souligner l’importance de l’irrigation dans l’activité agricole de la vallée de l’Agly, j’ai retrouvé mention de ces édifices dans une publication qui date de 1874 et qui restitue les travaux d’un certain Monsieur Antoine Tastu. Ce dernier, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées des Pyrénées-Orientales avait établi une nomenclature de tous les canaux d’irrigation existants. Ainsi comme on le constate, ce sont plus de 7000 mètres de canaux et rigoles qui ont été creusés et aménagés pour permettre l'irrigation des quelques 94 hectares couverts alors par les jardins de Latour-de France. (On remarquera également sur ce tableau qu’il est fait mention du territoire de Caramany qui, outre les canaux issus de la source de la Dout qui alimentent encore les jardins potagers du village, n’en comptait pas moins de 4000 mètres directement alimentés par les eaux de l’Agly. Les terres cultivables représentaient en effet un enjeu économique de premier ordre et une nécessité vitale pour les habitants).
Revoir l’article « la guerre de l’eau », sur ce même site :
Point 2 : (Alt : 109 m) Arrivé à ce stade, peu avant de s’engager sur la droite dans la zone boisée, on peut apercevoir à quelques mètres à droite du chemin, les vestiges d’une pompe mécanique qui, dans cette zone située au dessus du niveau d’eau du canal principal, permettait de gagner la hauteur nécessaire pour arroser les cultures. Ce type de pompe dite « à godets » était actionnée par un cheval ou un âne qui, tournant autour son axe vertical, entrainait une roue dentée qui animait elle-même une chaine dotée de godets venant récupérer l’eau au fond d’un puisard, pour la déverser en basculant dans une rigole qui desservait le jardin. Compte tenu de la taille réduite des réceptacles de cette pompe et de la vitesse limitée à laquelle un animal pouvait effectuer un tour complet, on imagine sans trop d’efforts que la notion de temps était alors bien différente de celle que nous en avons aujourd’hui, se rapprochant probablement davantage du rythme régulier des sabots d’un cheval que de l'emballement des pistons d'un moteur à explosion. Ce type de pompe n’est pas sans rappeler les « norias » utilisées dans les oueds sahariens et qui contribuaient à transformer de sablonneuses et désertiques parcelles en luxuriantes palmeraies…
Point 3 : (Alt : 110 m) Un peu après le point précédent, on doit franchir le canal pour entrer dans une zone boisée que l’on remonte jusqu’à se rapprocher d’un parapet aménagé sur le bord de ce canal situé sur notre gauche. On doit accéder à ce parapet (voir image) et le longer durant un peu plus d'une centaines de mètres, jusqu’à arriver à la prise d’eau constituée par un barrage qui se dresse en travers de l’Agly.
Au printemps, cet endroit est bordée d’arbres d’un vert éclatant et de nombreux roseaux au sujet desquels on ne peut que repenser à ce proverbe chinois qui nous exhorte à prendre le temps de nous arrêter pour « entendre le doux chant du bambou qui pousse », à condition toutefois que le « cancan » incessant des couvées de canards qui barbotent ici à la recherche de nourriture ou que la chute ininterrompue et sonore des eaux de l’Agly nous en laissent la possibilité.
Bien que ce lieu de quiétude nous invite à la rêverie, nous devons continuer notre promenade qui ne fait que commencer. Pour cela, il faut revenir sur nos pas en empruntant de nouveau la bordure du canal tout en prenant toujours garde à ne pas faire de faux pas.
Arrivés sur le chemin principal, après avoir franchi une seconde fois le canal , on emprunte un petit sentier qui se dirige en direction du versant qui nous fait face. Bientôt il oblique sur la droite et presque immédiatement, on quitte la zone plate pour aborder un parcours qui devient plus abrupt, étroit et accidenté et qui s’apparente à un sentier de chasseur. Au bout d’une centaine de mètres, nous avons déja bien gagné en altitude et notre position nous offre une vue en surplomb sur le village de Planèzes et son promontoire rocheux qui domine la rive gauche de l'Agly.
Point 4 : (Alt : 230m) Nous continuons ainsi à grimper à travers les chênes rabougris pour arriver à ce point qui marque la présence d’une « capitelle », probablement restaurée. Nous pouvons jeter un oeil depuis l'intérieur sur la voute qui fait apparaitre toute l’ingéniosité de sa construction en pierres sèches exemptes de tout liant ou d’une quelconque pièce de charpente pour la soutenir . On notera également que l’ouverture de cet édifice se situe dans la direction opposé à celle du vent dominant (ici, le marin, venant de l’aval, dans la direction du village de Latour-de-France), ce qui est généralement le cas pour la plupart de ces constructions. Etymologiquement, le nom de capitelle provient du latin « caput » qui signifie « tête ».
Nous rencontrerons ainsi deux de ces édifices qui servaient d’abri aux bergers, montrant qu’en d’autres temps, tous ces lieux étaient également investis par des activités d’élevage caprin ou ovin.
Après avoir dépassé la seconde capitelle, le sentier continue sur environ deux cents mètres. On franchit une zone rocheuse à proximité de laquelle on traverse un petit pont pour arriver jusqu’à la route goudronnée. Nous la suivons sur environ 400 m dans le sens de la montée jusqu’à parvenir à une intersection située sur un vaste plateau planté de vignes. Depuis cet endroit, on apercevra sur notre droite la Chapelle Saint-Martin, vers laquelle on va se diriger.
Point 5 : (alt : 288 m) Nous arrivons devant la chapelle romane de Saint-Martin. Elle fut bâtie vers les XIIe/XIIIe siècle, pour être ensuite transformée en habitation par l’adjonction d’une enceinte et de son enclos, ainsi que d’une porte fortifiée. On aperçoit encore les vestiges du mur d’enceinte daté du XIVème siècle qui s’adossent au dos de la chapelle et s’étendent vers l’ouest. On y devine quelques ébauches d'ouverture dans le mur, probablement en vue de permettre la surveillance de la zone sur laquelle elles ouvraient. En contrebas de la chapelle, vers le sud-ouest, on peut aussi découvrir un puits couvert. Sa particularité est de posséder un cuvelage en pierres sèches dont la forme présente trois côtés rectangulaires et un quatrième de forme légèrement concave. Ce puits est probablement contemporain de la période où la chapelle fortifiée servait de lieu d’habitation. On notera que l’ensemble de ces bâtiments sont inscrits depuis le 23 aout 1994 dans l’inventaire du patrimoine des monuments historiques .
Après avoir visité les lieux, on doit revenir sur nos pas jusqu’au carrefour à partir duquel on va prendre le chemin qui longe le plateau en direction de Latour-de-France (voir le plan ).
Point 6 : (alt. :250 m) Le retour vers notre point de départ se passe sans difficulté. S’offre alors un paysage qui embrasse en arrière plan la chaine des Corbières et qui laisse apparaitre ça et là des constructions de murs et de cabanes en pierres parfois assez massives ( ainsi, à 250 mètres du carrefour, à quelques mètres sur la droite du chemin, on découvre les vestiges d'un édifice en pierres dont on peut prendre le temps de faire le tour pour appréhender les particularités architecturales qui sont autant de marqueurs de l’activité qui régna sur ce plateau).
Environ à mi-chemin de ce parcours de retour, juste avant d’arriver au-dessous d'une ligne à haute tension, se présente un embranchement. Il conviendra de prendre la direction montante et de délaisser le chemin qui descend vers le val situé sur notre droite. Le village de Latour apparait peu de temps après sur la dernière partie plus pentue. La descente devient légèrement caillouteuse et après une épingle qui borde sur sa droite un château d’eau adossé à la colline, on se retrouve rapidement sur la route où nos véhicules sont stationnés.
Photos: Philippe Garcelon.