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Les deux monuments aux morts de Caramany.

 Dans les Pyrénées orientales, seules quatre communes n'eurent pas de morts au front; treize  autres, parmi lesquelles Felluns et Lansac proches de nous, n'ont pas élevé de monument aux morts. Toutes les autres disposent donc d'au moins un monument, souvent sur une place aménagée à cet effet, mais on en trouve aussi dans les cimetières, au pied des églises et parfois même à l'intérieur de l'église.

Ancien monument aux morts de CaramanyCaramany se distingue encore car il fait partie de ces villages qui ont décidé d'avoir deux monuments aux morts, l'un dans l'espace public, l'autre dans l'enceinte religieuse. La loi de séparation de l’Église et de l’État votée en 1905, n'était vieille que d'une quinzaine d'années lorsque les monuments aux morts de la Grande guerre ont été érigés et, dans les endroits où les cendres de la querelle n'étaient pas encore éteintes,  il n'était pas question pour les partisans d'un état laïc ou pour ceux d'un état proche de l’Église de laisser aux autres le soin d'honorer les morts. C'est peut-être ce qui nous vaut aujourd'hui d'avoir nos deux monuments.

Il sont situés actuellement dans la zone dite urbaine, mais cela n'a pas toujours été le cas. Le monument que nous qualifierons de républicain a d'abord été implanté assez loin du village certainement parce qu'à Caramany, le grand rocher, les zones plates ne sont pas légion. On a donc choisi un petit terrain dégagé par la construction de la toute neuve route départementale, à côté du pont de la Gamado. Il était certes desservi par la célèbre daballada.... qui se révélait vite redoutable pour les participants âgés aux défilés des 8 mai et 11 novembre, lorsqu'il fallait la remonter.

Monument aux morts implanté dans  l'église St Etienne de CaramanyUn esprit malicieux ferait remarquer que ce monument a été placé hors du village, à mi-chemin entre l'église et le cimetière ce qui permettait aux cortèges funèbres, qui comme les défilés se faisaient bien sûr à pied, de s'y arrêter à chaque passage d'un défunt, et ce, même lorsqu'ils étaient précédés de Monsieur le curé et de ses enfants de chœur.

Ce monument a été inauguré  par la municipalité au tout début de l'année 1925.

La population masculine se faisant de plus en plus âgé, ce qui entraînait une diminution de sa présence aux cérémonies commémoratives, en 1992, la municipalité présidée par M. Edgard Hubert a décidé de « rapprocher » le monument et de l'installer à l'emplacement que nous connaissons aujourd’hui, à l'entrée du village, côté lac.

Sur celui de l'église, en l'absence de documents, nous savons fort peu de choses.

Nos deux monuments portent tous les deux les noms des enfants de Caramany Morts pour la France, mais au delà de ces noms gravés dans la pierre, il y a autre chose qui les rapproche. C'est la statue qu'ils supportent.

Certes, elles sont différentes : celle du monument républicain représente plus une France (ou une république) combattante, coiffée du casque réglementaire des Poilus et drapée des couleurs nationales, bien droite mais au visage figé et triste pour rappeler vraisemblablement les horreurs de la guerre ;  celle de l'église Saint-Étienne représente  le Christ portant sa croix et accueillant un soldat mort. Mais elles sont l’œuvre d'un même artiste par ailleurs lui aussi enfant de Caramany. Il s'agit de Joseph Léon Canredon, fils de l'instituteur Pierre Canredon et de l'institutrice Adelaïde Azaïs, qui a fait ses études à l'école des beaux arts de Toulouse où il a été élève de Messieurs Laporte et Maurette, puis de Paris.

Pour présenter son projet de monument républicain, il a d'abord réalisé une maquette en terre cuite de 70 centimètres qu'il a dédicacé  à son cher ami, Paul Gély-Fort, maire de Caramany. Cette maquette, propriété de la famille Gély-Fort a été  offerte à la municipalité par Madame Salvat et sa fille Régine, descendantes de Paul Gély-Fort, et est actuellement visible à la mairie. Voici la description du monument telle qu'on peut la lire sous la plume de Joseph Chioselli, dans l'ouvrage "Les monuments aux morts des Pyrénées Orientales": "Victoire allégorique, figure féminine casquée tenant un drapeau tricolore sur sa hampe, grandeur nature, hissée sur un piédestal orné d'une croix de guerre, elle allie la gloire au civisme." L'auteur précise que ce monument pour lequel la commune n'a eu à supporter que les frais de matériaux et de construction a été "réalisé d'une manière classique mais affirmée".

A l'occasion du 11 novembre 2014, premier du centenaire, un hommage a été rendu à nos morts au pied du monument républicain, comme chaque année, mais aussi, avec l'accord de la paroisse, devant la stèle commémorative de l'église.

Sources:

  • archives personnelles
  • Les monuments aux morts des Pyrénées Orientales, un devoir de mémoire. Ouvrage collectif présenté par le Club Cartophile Catalan  en collaboration avec l'Office national des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, le souvenir Français et le concours de l'Association des Maires et adjoints des PO.

 

 

Photos: Philippe Garcelon

 

Monument aux morts. Implantation actuelle.

 

Monument aux morts actuel.