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Les années en "1": de 1791 à 1881
- Détails
- Publié le: 07/02/2021
- Auteur: Bernard Caillens
Au cours de ce XIX ème siècle, imposées par les changements de régime, les prestations de serment succèdent aux prestations de serment. C'est aussi la cause d'un certain nombre de remplacements de maires plus ou moins marqués politiquement. En parallèle, les oppositions maire-curé sont nombreuses et apparaissent comme les prémices de la grande réforme républicaine de 1905 : la séparation de l’Église et de l’État.
1791- changement de municipalité et prestation de serment à la Nation, à la Loi et au Roi.
date : 20 mars
maire François Bedos
A noter : Le décret du 14 décembre 1789 instituant les municipalités prévoyait leur renouvellement tous les ans. La délibération de ce jour qui est destinée à valider le serment des nouveaux « élus », fait d'abord le compte-rendu de l'assemblée qui les a nommés. Plusieurs détails ne manquent pas d'intérêt car ils montrent bien que nous sommes dans une période intermédiaire, plus tout à fait celle de l'ancien régime mais pas encore celle de la République.
En ce 20 mars l'assemblée se tient dans l'église paroissiale du lieu de Caramaing après avoir été convoquée huit jours à l'avance au prône de Monsieur le curé.
Monsieur le Maire rappelle l'assemblée du 26 décembre dernier qui s'est tenue dans les mêmes conditions et qui a été présidée par Monsieur Montferrand, curé, aidé de deux scrutateurs, Monsieur Chauvet (certainement jean Baptiste) et le sieur Jean Gély. Il faut noter que tous trois savent écrire.
Cette assemblée « par acclamation reconfirma les sieurs Michel Delonca et Jean Gély comme officiers municipaux ; et les notables ayant procédé au sort, il s'est trouvé que M. Montferrand curé et Thomas Barilles ont resté pour cette année comme notables. » En procédant au scrutin de liste double, l'assemblée a ensuite élu les quatre notables supplémentaires : Guillaume Mouné, Jeanet Sabineu, Joseph Foussat et Michel Calvet ; enfin Paul Pujol a été élu procureur de la commune en remplacement du sieur Vaysse qui « absent de la commune depuis quelque temps a fait la démission de sa charge ». Monsieur le Maire aborde ensuite l'ordre du jour :
« MM. les procureur de la commune et notables nouvellement élus ycy présents, acceptent leur dite charge, à la charge néanmoins par eux de prêter le serment en tel cas requis et conformément à l'article 48 dudit décret, leur main droite levée à Dieu, ils ont promis et juré de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution du Royaume, d'être fidèles à la Nation, à la Loi et au Roi et de remplir leurs fonctions en gens de probité ».
1801- le retour du conseil municipal
date : le 19 août
maire Charles Chauvet
Comme je l'évoquais déjà dans la rubrique 1800, les municipalités de canton avaient remplacé les conseils municipaux à partir de 1795. Elles ont été supprimées par la loi du 28 pluviôse an VIII, soit le 17 février 1800. Le retour à la normale a dû prendre un certain temps car la première délibération qui atteste du retour du conseil municipal dans la commune n'est datée que du 1er fructidor de l'an IX, soit le 19 août 1801. Elle a pour objectif de soumettre au préfet les candidatures de Joseph Géli et de Jean-François Géli comme gardes champêtres. D'après le maire, leur zèle et leur patriotisme joints à leur probité sont reconnus et leur nomination doit être faite dans le plus court délai car « les fruits pendants nécessitent une surveillance active contre les malfaiteurs qui ravagent les récoltes ».
1811- Absence d'archives (comme en 1810)
maire : Cir Vaysse
On passe de la délibération du 20 juillet 1809 à celle du 23 février 1812. Soit les pages du registre ont été perdues plus ou moins volontairement, soit le conseil municipal n'a pu se réunir pour des raisons diverses : rappelons (voir les années en 3) que le maire Cir Vaysse avait de grosses difficultés avec une partie de ses conseillers.
182I- Prestation de serment à la Charte constitutionnelle du Royaume
date: le 14 août
maire: Dominique Fourcade
A noter : Nous sommes en pleine Restauration ; Louis XVIII est sur le trône après les épisodes difficiles de la 1ère république et de l'Empire. Les autorités voulant s'assurer de la loyauté de leurs représentants communaux, les maires et conseillers municipaux sont donc nommés par le Préfet et doivent prêter serment d'obéissance à la Charte constitutionnelle octroyée par le Roi le 4 juin 1814.
C'est donc sur ordre de Monsieur le Préfet que le Conseil municipal est réuni dans la salle de la maison commune. Il reçoit Monsieur Molinat, maire de Latour, chef lieu de canton « délégué pour l'installation des maires et des adjoints des communes de Planèzes, Rasiguères, Caramagne (sic) Montalba et Cassagnes en raison du renouvellement quinquennal. Le dit délégué procède donc à l'installation de Dominique Fourcade en qualité de Maire et du sieur Jean Estève en qualité d'adjoint, après qu'ils aient prêté le serment ainsi conçu : Je jure fidélité et obéissance à la charte constitutionnelle du Royaume. »
Les membres du conseil qui ont signé ou marqué sont : Jean Pierre Barrière, Dominique Richard, Julien Pujol, Gabriel Jasse, Jean Sabineu, Pierre Bédos-Moïse, Jean Bédos-Marquet, Jean Calvet et Joachim Bédos.
1831: Prestation de serment manqué de la Garde nationale
date: le 3 mai 1831
maire: Jean Estève-Peyrot
A noter: Une fois de plus, les événements politiques de la grande Histoire de France se font sentir jusque dans les plus petites communes. Dissoute en 1827 par le roi Charles X, la Garde nationale issue de la Révolution, se reforme rapidement après la petite Révolution de 1830 et reçoit sa charte le 22 mars 1831, une charte à laquelle le régime de Louis-Philippe 1er souhaite que les gradés prêtent serment. Que s'est-il donc passé à Caramany ?
Convoqués à quatre heures du soir, conformément à la circulaire de Monsieur le Préfet en date du 12 avril, les officiers de la garde nationale se présentent dans la maison commune,
« savoir : Pierre Roland Lieutenant,
Jean Bédos-Marquet sous Lieutenant
Caillens Joseph Sergent
Saly Paul Laforgue Sergent
Vaysse Étienne Sergent
Laforgue Guillaume Sergent
Joseph Vignaud Capitaine
Bernard Barrière Sous Lieutenant
Les susnommés ont tous déclaré qu'ils se refusaient à prêter le serment voulu par la loi, les uns par le motif qu'ils ne pouvaient conserver leur grade à cause de leur incapacité, les autres parce que tant que les Droits réunis* subsisteront, ils ne veulent pas s'engager à déffendre les droits du Gouvernement. »
* On appelle droits réunis, les impôts établis par une loi du 25 février 1804 sur les tabacs, les boissons et distilleries, les voitures publiques, les cartes et la marque d'argent et d'or. Cette loi datant du Consulat de Napoléon Bonaparte, son abolition entrait dans les promesses de la Restauration, promesse de toute évidence non tenue en 1830.
Résultat sans appel: Caramany n'aura pas de garde nationale.
1841- Conflit juridique autour d'une pompe
Date: 30 octobre
maire: Pierre Rolland
Comme presque à chaque fois lorsqu'il s'agit de l'eau, l'affaire n'est pas simple. Le maire précédent Jean Bédos a fait confectionner une pompe par le sieur Raffit, chaudronnier de Perpignan pour la somme de 333 francs 20 centimes sur laquelle il demeure encore dû 133 francs 20 c.
Le sieur Raffit réclame donc son dû à la commune seulement voilà, Pierre Rolland, le maire actuel, fait valoir que Jean Bédos a fait ce traité sans autorisation préalable du Conseil municipal et sur la promesse verbale que lui firent certains habitants de contribuer. Il n'a donc pas cru pouvoir se charger d'une dette contractée irrégulièrement.
Pierre Rolland expose au Conseil les suites données à sa réponse :
- Le sieur Raffit a appelé directement la commune devant le tribunal civil de Perpignan en paiement de la somme de 333 francs 20c.
- Le 15 mai, M. le Préfet a déclaré la citation devant le tribunal irrégulière « mais comme la créance est juste en principe puisque la pompe est en activité, il engagea la commune à payer la facture tout en sommant M Bédos de verser immédiatement dans la caisse de la commune les fonds provenant des cotisations volontaires et à défaut le poursuivre devant les tribunaux » .
- le 28 juillet un jugement a été signifié à la commune la condamnant par défaut au paiement de la somme de 383 francs 20c.
- le 25 août, M. le Préfet « a relevé l'irrégularité de cette condamnation en ce qu'elle a été prononcée sans que la commune ait été autorisée à se défendre et a pensé qu'il y a lieu à faire réformer le jugement, il autorise une réunion du Conseil après avoir pris l'avis de l'avocat de la commune ».
- qu'enfin Maître Saisset, avocat, pense que le jugement doit être réformé « 1°en ce que la commune n'a pas été autorisée à se défendre. 2° en ce que le sieur Raffit a obtenu condamnation pour 383 f 20 c tandis que d'après la première pétition, il ne lui est dû que 133 f 20 c. 3° en ce que M.Bédos ayant traité sans autorisation du conseil municipal, la commune n'est pas obligée envers le sieur Raffit qui n'a d'action que contre M.Bédos comme particulier, sauf à celui-ci à se régler ensuite avec la commune pour obtenir à l'amiable une indemnité à raison de l'avantage qu'elle tire de la pompe qu'il a fait confectionner et placer. »
Sans surprise, le Conseil, ayant délibéré, autorise le Maire à faire opposition au jugement du tribunal .
1851- Urgence à l'église .
Date: 16 mai
maire: Charles Estève
Monsieur le Maire expose au Conseil que « l'église est à l’état de misère ». Des travaux s'avèrent nécessaires pour une estimation minimale de 2937 francs mais il est impossible de prévoir un somme au budget de l'année, les habitants étant épuisés par deux impositions en cours. Et ce n'est pas peu dire, car les citoyens sont aussi des "arrosans" et à ce titre, dans le cadre d'un conflit qui dure déjà depuis plus de trente ans avec les "arrosans" des communes d'Estagel, Rivesaltes et Claira, ils viennent d'être condamnés à verser une somme 27 700 francs de dédommagement, ce qui est considérable pour l'époque et qui va les mettre en situation de débiteurs pendant au moins sept ans.
Monsieur le Maire propose donc de mettre en place une souscription volontaire payable en nature ; (cela a été fait en d'autres occasions, pour la construction du clocher par exemple).
Pour cela, il sera compté « le taux de la journée pour les hommes à un franc vingt-cinq centimes, celle des femmes à soixante quinze centimes et celle des montures à un franc.
Il sera néanmoins loisible à chaque souscripteur de se libérer soit en journées, soit en fournitures soit en argent s'il le juge à propos ».
Enfin, le Conseil nomme régisseurs le sieur Pepratx, curé succursaliste et Estève Charles, Maire, qui seront chargés conjointement et alternativement de la surveillance des travaux.
1861 – La commune recherche des recettes.
Date: 21 juillet
maire: Michel Sabineu
Certains terrains communaux sont improductifs mais servent de pacage aux habitants. Après avis du préfet, Monsieur le Maire propose d'instaurer une taxe. La discussion a dû être un peu rude compte tenu de la rédaction peu courante choisie par le secrétaire.
« Le Conseil municipal, après avoir mûrement réfléchi, a été d'avis à la majorité d’assujettir les troupeaux au paiement d'un taxe de pacage et a arrêté qu'il sera établi une taxe de vingt-cinq centimes par tête de bêtes à laine et de dix centimes par chèvre ».
1871 – Bientôt une fontaine au centre du village.
Date: le 10 septembre
maire: François Vaysse
« Monsieur le Maire a exposé à l'assemblée que les habitants de cette commune tiennent à cœur depuis longtemps d'avoir dans l'intérieur de la localité une fontaine communale, que celle qui existe se trouvant trop éloignée il y aurait un intérêt majeur pour tous ses administrés dans le cas de quelque accident fâcheux, d’en établir une au centre du village Il a proposé ensuite au conseil d'employer la somme de 350 francs inscrite au budget additionnel de 1871 et destinée à donner du travail à la classe indigente, aux travaux de construction de ladite fontaine »
Le Conseil adopte à l'unanimité ces propositions.
1881 – Conflit maire - curé
Date: le 1er avril
maire: François Vaysse
A la suite des élections municipales du 9 janvier 1881, François Vaysse a été élu maire. Trois mois plus tard, il interdit les processions. Cette mesure radicale est surprenante en l'absence d'autres informations. Les relations maire-curé se sont elles dégradées en quelques semaines ou y avait-il un compte à régler entre les deux hommes, François Vaysse ayant déjà été maire de 1870, année d'arrivée du curé à 1874, puis de 1876 et 1877 ?
Ce n'est pas la rédaction stricte de l'arrêté qui nous le dira mais il est à noter que M. le Maire n'a même pas informé le curé directement mais en a chargé le garde-champêtre.
En voici le texte :
« Nous, Maire de la commune de Caramany,
Vu la loi des 16 et 24 août 1790 titre XI, article 3
Vu la loi du 18 juillet 1837, articles 9 et 10
Vu le vœu unanime émis par le Conseil municipal,
Considérant que les processions, dans les circonstances actuelles, pourraient troubler la paix publique,
arrêtons :
art. 1er : A partir de ce jour, jusqu'au 31 décembre 1881, toute procession est interdite sur sur la voie publique dans le territoire de la commune.
Art. 2 : L'adjoint et le garde-champêtre sont chargés de l’exécution du présent arrêté.
Fait à la mairie de Caramany, le 1er avril 1881
Vu à Perpignan, le 4 avril 1881, le Préfet signé Pivaud
Notifié à M. le Curé de Caramany le 8 avril 1881, en lui remettant une copie du présent arrêté par les soins du garde-champêtre.
Remarque complémentaire : Le curé dont il est question s'appelle Edmond Estève. Ce qui est sûr c'est que la situation va empirer jusqu'à son départ en 1882.
Les archives de l’évêché possèdent deux courriers datés de cette année là, l'un du Maire accusant le curé d'avoir attaqué le Conseil municipal en chaire et mentionnant (au passage) qu'il fréquente une dame veuve, l'autre du curé qui répond à son évêque que le maire a défendu les processions « uniquement pour satisfaire sa haine à mon égard, que c'est un menteur effronté, un lâche calomniateur qui en aboyant à la soutane ne fera pas revenir la popularité qui l'a abandonné. Ce haineux et perfide personnage, je vous demande de lui demander des comptes devant les tribunaux ».
Le moins que l'on puisse dire c'est que la paix publique va être difficile à instaurer entre ces deux personnes ; c'est d'ailleurs ce qu' a dû penser Monseigneur Caraguel, évêque du diocèse, qui ne pouvant agir sur le maire, a nommé avec prise de fonction le 1er novembre 1882 un nouveau curé Nicolas Combaut.
Sources:
- registres de délibérations - archives municipales
Photos:
miniature: Portrait de Louis XVIII
1: Portrait de Louis XVI, roi de France de 1774 à 1792 - wikipédia
2: Portrait de Louis XVIII, roi de France de 1814 à 1824 -wikipédia
3: La pompe "del llong dal rec", est-ce de celle-là qu'il s'agit? Cliché Bernard Caillens
4: La bergerie des Coudoumines, autrefois propriété du seigneur. Cliché Philippe Garcelon
5: La croix de procession de l'église Saint Etienne - Cliché Philippe Garcelon
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