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Pollution lumineuse
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- Publié le: 03/06/2010
- Auteur: Philippe Garcelon
En 2007, dans le cadre de ses activités, le "Pari du Lac" proposait une soirée découverte de l'astronomie. En 2008, il invitait à l'action avec la journée de l'environnement. Ces initiatives orientées vers le patrimoine naturel ont contribué à mettre l'accent sur notre environnement et sa préservation, en tant que facteur conditionnant notre avenir. En effet ces sujets sont au coeur des enjeux d'aujourd'hui.
En tant que membre d’une association qui lutte contre la pollution lumineuse (ANPCEN) je souhaite évoquer ici un combat qui me tient à cœur. Celui contre cette forme insidieuse de pollution, souvent méconnue mais qui nous affecte autant que les pollutions sonores, chimiques ou visuelles.
Une pollution insidieuse:
Depuis ses origines, l’homme a toujours éprouvé une peur du noir, bien que l’obscurité fasse partie intégrante de son environnement. Il n’y a guère plus de quelques décennies, lorsque la nuit tombait sur nos villages, l’obscurité reprenait ses droits et personne ne s’en plaignait. Certains d’entre nous, peuvent encore se souvenir des rares ampoules électriques éclairant nos foyers et réalisent d’autant mieux le chemin parcouru devant la profusion de moyens déployés de nos jours pour nous éclairer. Nos comportements sociaux n’ont cessés d’évoluer, l’afflux démographique des populations rurales vers les pôles urbains n’y est pas étranger. Nos villages ont progressivement été, eux mêmes, touchés par un effet « boomerang » qui a vu leurs équipements « calquer » ceux des mégapoles voisines. Je ne cultive pourtant aucune nostalgie ou, pour reprendre les mots d’un illustre personnage, je ne suis pas de ceux qui, je cite: « regrettent la douceur des lampes à huile, la splendeur de la marine à voile, ou le charme du temps des équipages... ».
Cependant la surconsommation d’énergie et les dommages qu’elle occasionne à l’environnement nocturne doivent interpeller tout individu respectueux de la nature. En premier lieu, ce sont les éclairages publics urbains et les enseignes lumineuses des commerces qui causent le plus de dégâts. Une partie non négligeable d’entre eux est en effet dirigée vers le ciel. Toute l’énergie est ainsi gaspillée en pures pertes. Bien sûr, le financement de ce gâchis se répercute directement sur nos propres impôts ou sur le prix des articles que nous achetons dans les magasins.
Essayons de mieux comprendre ce qui se passe: Sur l’image ci-dessus, que j’ai prise la nuit dans la proximité de Toulouse, on voit les méfaits de la lumière artificielle sur le ciel nocturne et on constate comment, en zone urbaine, les étoiles ne sont quasiment plus visibles, seule Venus et la Lune parviennent ici à se détacher.
Carte de pollution lumineuse:
L'image qui suit traduit une réalité plus proche de nous. Elle présente une portion de la grande périphérie de Perpignan qui inclut le village de Caramany. On y distingue comment la ville et sa proche banlieue diffusent leurs halos lumineux à plusieurs dizaines de kilomètres. Pas toujours perceptible depuis le sol à l'oeil nu (qui n'a pas un véritable "noir" de référence), cette pollution lumineuse est pourtant omniprésente. Ici seules les rares zones sombres (noires) indiquent des lieux moins pollués.
On constate que beaucoup de zones inhabitées sont éclairées, ce qui confirme qu’une partie de la lumière est consommée en pures pertes. L'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) estime qu’en France, on pourrait réaliser près de 40% d'économies sur les dépenses d'éclairage public, si on modifiait correctement les installations existantes.
On trouvera toujours quelque réfractaire peu ou mal informé qui pensera que cette pollution n’est nuisible qu’aux astronomes amateurs ou autres doux rêveurs à qui ils reprocheront d’avoir plus souvent la tête dans les étoiles que les pieds sur terre. Pourtant, il n’en est rien. La plupart des observatoires astronomiques situés sur notre territoire sont aujourd’hui désertés par les chercheurs? Pourquoi ces derniers devraient-ils se déplacer vers d’autres continents pour bénéficier d’un ciel encore propre?
Menaces sur l'écosystème:
Mais il y a encore plus préoccupant: l’éclairage nocturne affecte aussi notre écosystème. Ainsi la faune et la flore font chaque nuit qui s’écoule les frais de nos excès.
L’éclairage nocturne donne aux oiseaux de plus longues plages de temps pour chercher leur nourriture, ce qui entraine une accélération de leur rythme biologique. C’est le cas des étourneaux, pigeons, rouges-gorges et rouges-queues noirs qui font parfois deux couvées annuelles. Pour les migrateurs, c’est encore plus grave car ces derniers ont besoins des étoiles pour se repérer et s’orienter lors de leurs migrations. Face aux lumières artificielles de la ville, qui ne leur permettent plus de distinguer ces étoiles, ils sont de plus en plus souvent désorientés et s’écartent de leurs routes, se perdent ou s’épuisent en dépensant une énergie indispensable à leur périple. On a vu des milliers d’oiseaux migrateurs tourner autour des sources lumineuses comme les phares côtiers, les forages off-shore ou l’éclairage des axes routiers, jusqu'à mourir d’épuisement avant de venir joncher le sol de leurs carcasses.
La lumière est aussi un handicap pour la vue des amphibiens nocturnes. Des expériences ont mis en évidence que des grenouilles ne parvenaient plus à distinguer leurs proies de leurs prédateurs ou de leurs congénères.
L’éclairage urbain est néfaste pour les insectes nocturnes, comme les papillons. La lumière perturbe leurs cycles physiologiques, d’alimentation ou de reproduction. Les rayons ultraviolets émis par les lampes à vapeur de mercure les attirent. Ils tournent alors autour jusqu'à épuisement. Cette lumière attire également les prédateurs des insectes qui repèrent d’autant plus facilement leur proie.Chacun de nous aura un jour constaté qu'à Caramany, les geckos ont choisi leur terrain de chasse nocturne à proximité des lampadaires du village.
Les vers-luisants eux aussi sont perturbés par l’abondance des lumières artificielles qui annule l’effet fluorescent de l’abdomen des femelle alors plus repérable par les mâles. L’absence de fécondation qui s’en suit entraîne la disparition de l’espèce. Ces coléoptères ont pourtant un rôle important dans la chaine alimentaire. Ils se nourrissent du nectar de certaines espèces de fleurs et contribuent ainsi à leur pollinisation. Autre exemple, en Floride, où se situe le site de reproduction principal des tortues marines « caouannes ». Les jeunes naissent en général la nuit sur les plages et se ruent vers la mer attirés par sa brillance. Mais, déviées par les lumières artificielles du littoral, elles se retrouvent sur les routes et meurent de déshydratation, de fatigue ou écrasées par les voitures.
Pour les chauves-souris, il en va de même. Sur les trente-trois espèces répertoriées en France, seul le murin à oreilles échancrées tolère la présence de lumière dans son gîte. Les autres chiroptères désertent les clochers, les bâtiments, les cavités, lorsque les accès de leurs zones de repos sont éclairées. De ce fait, certaines espèces ont totalement disparu des régions urbanisées. Ces perturbations concernent de nombreux aspects de la vie des animaux, les déplacements, l'orientation, et aussi les fonctions hormonales qui dépendent des durées respectives du jour et de la nuit. Au niveau de la flore, les éclairages artificiels sont également nocifs. De récentes études font apparaitre que des espèces végétales exposées souffrent d’une dégénérescence précoce. Les travaux encore peu nombreux réalisés à ce jour sur les nuisances dues à la pollution lumineuse laissent déjà apparaitre que nous sommes face à une menace d’ampleur planétaire.
Le "TOP" des pollueurs:
Le tableau ci-contre qui date environ de dix ans, indique la densité d’éclairage publics urbains pour différentes villes françaises (Les informations émanent des municipalités elles mêmes). La lutte contre les excès de pollution lumineuse est aussi un combat contre les gaspillages énergétiques qui s’inscrit dans le respect de la biodiversité et la prise en compte des nécessités liées au développement durable. Des moyens simples existent pour la limiter. En premier lieu, lors de l’installation de nouveaux lampadaires ou de leur renouvellement, il suffit de choisir des lampadaires bien conçus et de surcroit pas plus couteux. On ne doit pas ignorer qu’il existe un véritable marché de la peur du noir, soutenu par un discours sécuritaire servant à justifier des dépenses en éclairage sans cesse croissantes. Les statistiques communiquées par les polices européennes sont pourtant peu probantes à cet égard. Elles font apparaitre qu’un accroissement des éclairages routiers induit une accélération du trafic qui paradoxalement augmente les risques.
Quand aux actes de délinquance en question, je pense simplement à ce sujet qu’il est bien plus confortable pour les pouvoirs concernés de les imputer au manque d’éclairage plutôt que de reconnaitre une quelconque responsabilité dans les carences de mise en place de mesures préventives. Les collectivités ont donc leur part dans cette problématique, d’autant qu’en quête de développement touristique, elles persistent à mettre en valeur leurs sites patrimoniaux ou naturels par de puissants éclairages nocturnes sur leurs lieux et monuments remarquables. En réalité, une importante part du gâchis de kilowatts est le fait d’un lobbying acharné des fabricants de matériel d’éclairage envers les pouvoirs publics et les élus locaux.
Premières mobilisations:
mobilisationAinsi, la quantité d'énergie consommée ne diminue-t-elle pas, malgré l’amélioration des performances techniques du matériel. Par exemple, de 1990 à 2000, la consommation électrique moyenne de l'éclairage public en France est passée de 70 à 91 kWh par an et par habitant, soit un accroissement de près de 30%. Cette progression est sans commune mesure avec l’évolution des superficies habitées. L’inadéquation entre dépense énergétique et besoins réels stigmatise cette fuite en avant des gaspillages.
Cette surconsommation représente aujourd’hui la moitié des Kilowatts d'électricité utilisés par les communes.
Heureusement des responsables politiques qui ont compris les enjeux de ces nouveaux défis s’engagent dans la lutte contre la pollution lumineuse, prise en compte dans le « Grenelle de l’environnement ». Les pouvoirs politiques régionaux sont eux aussi impliqués dans la lutte contre cette pollution et les communes signent des chartes. J’ai pu le constater par exemple le 11 juin 2009 en me rendant à l’observatoire du Pic du Midi. Les autorités politiques de la région Midi-Pyrénées on choisi ce lieu symbolique de la chaine pyrénéenne, perché à prés de 3.000 mètres d’altitude, pour montrer leur attachement à préserver le ciel nocturne.
Ainsi, le président de région, les maires de Toulouse, Tarbes, Bagnères de Bigorre, la présidente du conseil général, le préfet de région et des personnalités reconnues du monde scientifiques ont signé une charte les impliquant dans la limitation des pollutions lumineuses.
En Fenouillèdes:
Plus près de nous, certains pouvoirs locaux des Pyrénées-Orientales ont eux aussi tenu à s'engager, comme c'est le cas pour le village de Tautavel, dont les élus ont pris conscience de la richesse et de la fragilité du ciel nocturne. Le 18 avril 2009, Paul Blu ( président de l'association nationale pour la protection de l'environnement et du ciel nocturne:ANPCEN) et Guy Ilary, conseiller général du canton de Latour de France et maire de Tautavel, ont signé une charte de protection du ciel nocturne qui engage la commune de Tautavel.
Si vous vous sentez concernés par la lutte contre la pollution lumineuse, je vous recommande de visiter le site internet de l’association ANPCEN: http://www.anpcen.fr C'est un acte citoyen que de se préoccuper au quotidien de cette question et d'en parler chaque fois que possible avec les décideurs.
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