- Précédent : Les années en 0: de 1890 à 1990
- Suivant : Les années en 9: de 1899 à 1999
Les années en "0" : de 1800 à 1880
- Détails
- Publié le: 12/04/2020
- Auteur: Bernard Caillens
1800 - Ni maire, ni conseil municipal
En 1795 ont été mises en place les municipalités de canton. Caramany avait alors perdu son titre de commune au profit de Latour de France, chaque village étant représenté par un agent municipal renouvelé tous les deux ans et assisté d'un adjoint. En 1799 et 1800, cet agent municipal était Jean-Baptiste Lafforgue. La loi du 28 pluviose an VIII, soit le 17 février 1800, a supprimé ces municipalités de canton et a eu pour conséquence de rétablir un conseil municipal dans chaque commune, un processus qui semble avoir pris du temps ou généré un peu de flottement dans les instititutions ; car comment expliquer, en dehors de la perte toujours possible des documents, que nos archives ne comportent aucun acte daté de l'an VIII ?
1810 - Absence d'archives
maire : Cir Vaysse
On passe de la délibération du 20 juillet 1809 à celle du 23 février 1812. Soit les pages du registre ont été perdues plus ou moins volontairement, soit le conseil municipal n'a pu se réunir pour des raisons diverses : rappelons (voir les années en 3) que le maire Cir Vaysse avait de grosses difficultés avec une partie de ses conseillers.
1820 - De l'importance d'un garde champêtre
date: le 14 août
maire: Dominique Fourcade
De tout temps, cela a été évoqué plusieurs fois dans mes articles, la nomination du garde champêtre a été un souci des municipalités. Cette délibération a la particularité de nous faire du candidat une description digne d'un conseil de révision, les fautes d'orthographe en plus.
Cette année là, le maire demande de remplacer le sieur Ribes qui « depuis long temps ne garde plus ». Le conseil « considérant qu'il est de son devoir de prendre toutes les mesures propres à arrêter autant que possible les délits ruraux qui se commettent assez fréquantment sur son territoire » adopte bien sûr la proposition de Monsieur le Maire et accepte la candidature de Jean Marie Estève, « âgé de trente deux ans, taille d'un maitre soixante trois centimètres, cheveux chatains, frond découvert, sousil chatains, yeux noirs, ne moain (nez moyen) bouche grande, barbe chatain, manton rond, vissage ovale, tein brun ».
1830 - Une situation politique compliquée
date: le 10 août 1830
maire: nomination de Louis Chauvet
A noter: Difficile de ne pas voir une relation entre ce changement de maire, par arrêté de la préfecture et les événements qui se sont déroulés à Paris fin juillet. A la suite de cette mini révolution dite des Trois Glorieuses, le roi Charles X qui tentait de guider le pays vers une monarchie de plus en plus conservatrice est déchu et prendra le chemin de l'exil début août. Dès le 31 juillet, Louis Philippe, duc d'Orléans issu lui aussi de la famille des Bourbons, est nommé lieutenant général du royaume. Il sera proclamé roi des Français le 9 août.
Le document transmis à Caramany daté du 10 août et demandant que le nouveau maire prête serment au lieutenant général du royaume montre bien, compte tenu des délais d'acheminement entre Paris et Perpignan puis entre Perpigan et Caramany que bien avant d'être proclamé roi, Louis-Philippe a tenu à mettre à tous les postes de décision ses partisans.
Voici le texte de l'arrêté :
"Nous, doyen du conseil de préfcture, préfet par intérim du département des Pyrénées orientales, Nommons pour remplir dans la commune de Caramany les fonctions de Maire, le Sieur Chauvet Valentin Louis, en remplacement du Sieur Montferrand démissionnaire.
Le Maire cidessus nommé sera installé immédiatement dans ses fonctions par les soins du Sieur Montferrand démisssionnaire et il sera dressé procès verbal dont un copie nous sera transmise avec la notice exigée".
Perpignan, le 10 août 1830
Signé ARNAUD aimé
Quelques remarques :
- Il n'y a plus de préfet en titre : là aussi le changement doit être en cours.
- A Caramany, le maire en place avant les Trois Glorieuses était Jean Monferrand, neveu du curé Jean Damien Montferrand qui ne cachait pas son soutien à l'ancien régime, ce qui lui avait même valu quelques mois de prison au début de la Révolution. Est-ce pour cette parenté que Jean Montferrand a été démissionnaire ou démissionné ?
- Les membres de la famille Chauvet par contre, en leur qualité de notables, avait accompagné les premières années de la Révolution et avaient donc un profil plus compatible avec une monarchie parlementaire. Louis en était le dernier descendant et il avait déjà été maire de 1813 à 1816. Le nouveau régime ne l'a t-il pas convaincu ? On peut le penser puisqu'il ne restera en place que quelques mois et sera remplacé par Jean Estèbe.
- Comment s'est effectuée la passation qui a eu lieu le 12 août, probablement le jour même de la réception du courrier de la préfecture? Jean Montferrand et Louis Chauvet se connaissaient bien mais pas pour de bonnes raisons. Le 21 novembre 1815, le premier avait menacé de mort le second, en disant vouloir venger son oncle. Une affaire qui s’était terminée par la révocation du curé et du maire. ( voir dans la rubrique anecdotes l’article « On a failli assassiner le maire. »)
- Le procès verbal de passation indique que le Sieur Louis Valentin Chauvet a accepté la place de Maire et a prêté le serment de fidélité au Lieutenant général du royaume et aux Lois de l'Etat.-
1840 - L'abbé Bria réclame la totalité du presbytère.
Date: Le 31 mars, à sept heures du soir
maire: Jean Bedos
L'abbé François Bria a été nommé à Caramany en 1830 (voir l'article François Bria, curé de Caramany, rubrique Histoire). Promu à Estagel où il est mal reçu, il sollicite son retour sur la paroisse et retrouve donc sa cure en 1840. Soucieux de faire bouger les choses c'est dans cette période qu'il va agrandir le cimetière et faire construire notre célèbre clocher, il demande de pouvoir récupérer le presbytère, où il n'avait pas pu s'installer précédemment, tant il était en mauvais état mais également occupé en partie par la Mairie.
« Monsieur le Maire fait part à l'Assemblée du motif de leur convocation tendant à ce que Mr Bria desservant de laditte commune avait fait demende par péticion à Monsieur le Préfet de (récupérer) la Mairie actuelle pour élargir son logement, comme une ancienne dépendance du presbytère. »
Le conseil est partagé puisque « quatre voix ont décidé qu'il n'y avait pas lieu d'accorder cette demande à Mr le desservant, jusqu'à ce que la commune aura pu obtenir des moyens pour se proqurer un loqual propice pour y fixer la Mairie, Et le six vois restantes ont décidé que cette demande pouvait êttre accordé Moyenant que Mr le desservant payera le fermage d'un loqual propice pour servir de Mairie, comme il la déclaré dans sa peticion jusqu'à ce que la Commune est un loqual à sa disposition, avec réserve qu'ils n'entendent pas se réunir dans de maisons particulières , que les archives resteront en place provisoirement. »
Remarque complémentaire : Cette délibération qui émet pas mal de réserves, c'est le mois que l'on puisse dire et qui semble avoir été pris sous la pression du Préfet, est en fait le deuxième round de l'affaire. En effet, les archives de l'évêché possèdent un lettre de François Bria adressée à Monseigneur de Saunhac-Belcastel et datée du 11 février 1840, dans laquelle il se plaint d'avoir essuyé un refus, tout cela par la faute du Maire.
Il y indique que « la commune s'est emparée à la révolution de 1793 d'un appartement du presbytère qu'on reconnaît être nécessaire et qu'on est très disposé à me rendre ». Par ce "on", il faut entendre certains conseillers car le maire lui, n'est pas de cet avis, comme l'indiquent ces quelques extraits de sa lettre. « Il a parlé de ma demande de telle façon qu’il a cherché à faire voir que ma pétition était contraire à l’intérêt de la commune... Deux des conseillers ont parlé en ma faveur, deux autres trop timides n'ont rien dit, les autres étaient absents... Il est encore détenteur des registres de l'église... Si le conseil ne craignait les menaces de son président, il m'aurait accordé à l'unanimité cette pièce. »
Bref, ce n'est pas l'entente cordiale entre Monsieur le Maire et Monsieur le Curé et les conseillers semblent être pris entre le marteau et l'enclume.
1850 - Oui pour le chemin d'Ille à Saint-Paul, mais il faut un pont.
Date: 12 mai
maire: Charles Estève
Le conseil est invité à se prononcer sur le degré d’intérêt d'un futur chemin communal, autrement dit un route carrossable entre Ille et Saint-Paul, jusqu'aux bains de Rennes (Aude).
«Le conseil a reconnu que ce chemin serait d'une grande utilité pour cette commune, que sa fréquentation pourrait être considérable et avantageuse aux habitants pour le débit de leurs denrées et aux étrangers en général pour circuler librement et promptement du département de l'Aude dans celui des Pyrénées orientales ».
Pour montrer son intérêt, le conseil décide « qu'il sera affecté à son entretien le sixième de la totalité des ressources communales afférentes aux chemins vicinaux » mais en profite pour exprimer « le vœu que soit construit un pont depuis longtemps désiré, sur la rivière de l'Agly pour aller joindre la ligne de grande communication n°9, que ce pont est d'une urgente nécessité pour les habitants qui, quoique pauvres qu'ils soient seront toujours disposés à faire de nouveaux sacrifices si ceux qui leur sont déjà imposés demeurent insuffisants.
Le même conseil ose espérer que Monsieur le Préfet voudra bien tenir la promesse qu'il a fait notamment par ses lettres du 19 9bre 1848 et 16 juillet dernier d'ordonner le plus tôt possible la construction de ce Pont, tous les habitants lui en seront vivement reconnaissants. »
Remarque : suite à cette demande "pressante", la construction d'un pont à cinq arches de 10 mètres d'ouverture chacune débutera en … 1869 pour se terminer en 1873. Il aura été plus longtemps désiré qu'en fonction puisqu'il ne résistera pas à la terrible crue du 8 novembre 1892. Son successeur sera le fameux Pont Rose.
1860 - Danger sur la passerelle de l'Agly
date: le 14 novembre
maire: Michel Sabineu
Cette année là , le problème de la traversée de l'Agly reste donc entier.
« Monsieur le Maire a exposé que l'établissement sur la passerelle de l'Agly de deux parapets est une chose très urgente, que de plus il était à craindre que par une crue d'eau subite, les poutres de la dite passerelle ne fussent entraînées et qu'il serait donc bien nécessaire de les relier par des chaînes en fer afin de les préserver, par ce moyen, d'être emportées par le courant.
Après avoir goûté (sic) l'avis exposé par M. le Maire et remarqué qu'en effet le passage de la passerelle dénué de parapets est réellement dangereux à l'époque des grands vents, tant pour les habitants de la commune que pour les troupeaux, puisque des accidents malheureux sont déjà arrivés, le conseil municipal reconnaît qu'il n'est besoin que d'un somme de 150 fr pour terminer les travaux de la passerelle, est d'avis que cette somme soit prélevée sur le crédit de 300 francs ouvert sur le budget de 1860 sous le titre construction d'une passerelle sur l'Agly. »
1870 – Le pont est enfin en construction, mais...
Date: le 12 février
maire: Pierre Lacourt
A noter: La construction du pont si attendu avait démarré, cette délibération en est la preuve. Ce que le conseil ne savait pas ce jour là, c'est qu'elle allait vite être interrompue, comme l'indique un document retrouvé dans les archives municipales, par "les funestes événements de 1870 ". Il s'agit bien sût de la guerre franco-prussienne (19 juillet 1870 – 21 janvier 1871). Encore un événement qui lie l'Histoire de Caramany à l'Histoire de France.
« M. le Maire expose à l'assemblée que l'entrepreneur du pont sur l'Agly lui avait parlé des difficultés qu'il éprouvait pour se procurer des moellons convenables pour le parement des piles tampons, que cet entrepreneur croyait que l'emploi du tuf qu’il a presque sous la main, donnerait plus de beauté et de solidité la construction du pont, en n'augmentant la dépense que de deux mille francs environ ».
Le conseil déclare qu'il ne s'oppose pas à cette demande au point de vue de la solidité et de la beauté des travaux (remarquons au passage qu'il a classé à l'envers les deux qualités requises dans la demande) mais, proche de ses sous, renvoie la demande « à Monsieur l'Agent-voyer chef qui appréciera si les ressources de départ permettent cette amélioration en faveur de laquelle le conseil municipal ne peut disposer d'aucun revenu et ne veut établir aucune contribution. »
1880 – La gestion occulte d'un maire
Date: le 11 août
maire: Eugène Tressere
« M. le Maire a exposé au conseil que par suite du jugement rendu par le Conseil de préfecture qui condamne M Delonca François Lachau, ancien maire , à verser dans la caisse communale la somme de 330 francs comme conséquence de sa gestion occulte, il propose d'employer cette somme au transfert de la fontaine d'en Romeu et de la construire à nouveau sur un terrain communal.
Le conseil municipal reconnaissant que la fontaine ne peut rester à l'endroit où elle se trouve actuellement et qu'il y a tout avantage à la construire sur un terrain communal où toute entrave et toute contestation de la part des tiers soit écartée nomme le sieur François Vaysse comme régisseur des travaux pour opérer le transfert de la susdite fontaine qui sera construite du côté gauche du pont du ravin de la Sale, c'est à dire du côté opposé à sa position actuelle."
Remarque complémentaire : François Delonca Lachau, nommé maire en 1878 au bénéfice de l'âge ne sera resté en poste que quelques mois et aura marqué son passage par des décisions ou des actes pas très légaux. On lui reproche d'avoir falsifié les comptes de deux travaux en régie : la construction d'un réservoir et surtout l'implantation, sans autorisation du Conseil, de la fontaine d'en Romeu sur le terrain de la veuve Chauvet à droite donc du ravin de la Bécede, vraisemblablement sous le pont actuel de la départementale. Suite à cette gestion peu conforme à ce que l'on attend d'un maire, François Delonca Lachau, avait démissionné et ses comptes avaient été repoussés deux fois par le Conseil municipal, le 17 décembre 1879 et le 16 mai 1880. C'est lors de la première délibération que le conseil avait exigé que l'ancien maire rembourse 330 francs correspondant aux 222 francs provenant d'un emploi irrégulier (le déplacement de la fontaine) et 108 francs, qu'il avait reconnu "avoir en mains" et qu'il n'avait pas dépensés. Cet "avoir en mains" est plus qu'étrange à double titre.
Comment pouvait-il à la fois présenter sur une somme de 700 francs inscrite au budget 1878 une dépense de 699 francs (refusée par le conseil) et reconnaître qu'il lui restait 108 francs. Et comment peut-il les avoir en mains, puisque ces fonds proviennent pour 400 francs d'un emprunt communal et pour 300 francs d'une subvention. De quoi justifier l'adjectif occulte !
Sources:
archives municipales: registres de délibérations
archives diocésaines: lettre de François Bria
Photos:
miniature: le clocher de Caramany: P. Garcelon
1: Louis-Philippe 1er roi des Français - wikipédia
2: signature de l'abbé Bria qui fait précéder son paraphe de Succursaliste - archives municipales
3: le Pont Rose; au premier plan Germain Gély - P. Garcelon
4 - la fontaine d'En Romeu en 2020 - B. Caillens
- Précédent : Les années en 0: de 1890 à 1990
- Suivant : Les années en 9: de 1899 à 1999