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Caramany et l'ordre du Temple

La première image qui nous vient à l’esprit lorsqu’on évoque les templiers, c’est celle d’un chevalier portant fièrement sur son armure un grand manteau blanc frappé d’une croix rouge.

croix de l'ordreAprès l’image, le mot. C’est à celui de croisade que l’on associe les templiers, un mot qui fait remonter en mémoire les lointains souvenirs de nos premiers contacts avec l’histoire de France, quand nos maîtres ou nos maîtresses évoquaient Saint Louis, Godefroy de Bouillon, Jérusalem et le Saint Sépulcre.

L’ordre du Temple a été fondé en terre sainte, aux alentours de 1118 par un croisé originaire de Champagne, Hugues de Payens, pour protéger les pèlerins chrétiens.Hugues de Payens revient en Europe en 1127 pour demander au pape de donner un statut et des règles à son Ordre, mais aussi pour organiser un système à la fois de recrutement de soldats et de recueil de donations.

Le Temple se développe alors très rapidement. Le templier Hugues Rigaud chargé de prospecter les régions de part et d’autre des Pyrénées reçoit en 1132 la première donation en faveur du Temple du Roussillon. La vicomté de Fenouillèdes est très vite concernée par cette expansion. En 1136, Bernard Béranger, vicomte de Tatzo donne au Temple tous ses biens sur Prugnanes. En 1137, Ermengaud de So donne ses possessions sur Centernach¹. C’est cette année là que les templiers du Roussillon créent leur maison mère dans les Aspres : la commanderie du Mas Deù, la maison de Dieu. Ils organisent ensuite leur territoire en implantant des préceptories, sortes d’annexe gérée par un frère. Les documents mentionnent l’existence d’un précepteur, frère Etienne, à Centernach en 1214 et d’un autre, Pierre de LLupia dans la petite préceptorie de Corbos, à côté de Sournia en 1261.

Contrairement à d’autres paroisses, celle de Caramany semble avoir été peu touchée par le phénomène templier, mais elle a quand même été concernée, comme nous allons le voir, par l’intermédiaire de sa famille seigneuriale.

D’après S. Jean, Pierre de Camprodon, qui a dirigé la préceptorie de Centernach dans les années 1263-1265, "percevait des redevances dans un large secteur allant de Sournia, La tour de France et à Villefranche de Conflent, par exemple à Maury, Rabouillet, Caramany, Planèzes, Tournefort, Le Vivier, Joncherolles, Borrad, Reglella…"

A. Carol inclut également Caramany dans une longue liste de villages dans lesquels les templiers détenaient des terres: "... Fosse, Lansac, St Paul, Maury, Mosset, Caramany, Planèzes, Prugnanes,etc."

La cavalerieJ Tosti, dans son étude sur Caramany, mentionne un acte² "daté de 1249 par lequel Guillem de Caramany donne des terres aux templiers du Mas Deù."

Par contre, la liste de R. Vinas relative aux " seules possessions sûres du temple dans le pays de Fenouillèdes" ne fait état que de l’acquisition par le Mas Deù "de deux masades données à Tornafort, près de Caramany par Aladaise de Tornafort". Cette donation référencée au cartulaire 314, est confirmée en 1275.

Une autre source* nous apprend que le 7 février 1144, "Géraud de Tornafort (près de Caramany), sa femme et son fils vendent à l’Ordre du Temple la moitié de la condamine de Saint Alban, une terre au territoire de Bourbouton et leurs droits sur la terre de Calchameroz."

Ces deux informations soulèvent plusieurs questions ;

  • S’agit-il du lieu dit Tournefort, sur la rive gauche de l’Agly où s’élevait autrefois une tour, à moins d’un kilomètre de Rasiguères ? Dans ce cas là, pourquoi mentionner près de Caramany et non près de Rasiguères ?
  • Est-ce bien le rédacteur de l’acte qui à l’époque a écrit près de Caramany ou est –ce un traducteur contemporain qui l’a rajouté ? La réponse à cette question est importante car si cette formule a été inscrite en 1144, cela nous indique qu’à cette époque Caramany était un lieu habité et reconnu.

Venons-en maintenant à la famille seigneuriale.

Comme une grande partie de la noblesse occitane, Pierre de Fenouillet et  ses chevaliers ont essayé de résister aux vagues successives des croisés de la France du nord qui, sous le prétexte de chasser les hérétiques, s’emparaient aussi de leurs terres. Accusés d’hérésie ou pour le moins d’avoir apporté leur aide aux cathares, ils pouvaient espérer, en se mettant sous la protection du Temple, échapper aux poursuites de l’Eglise. C’était d’autant plus vrai que la commanderie du Mas Deù n’était pas en France mais sur les terres du roi d’Aragon.

R. Vinas précise d'ailleurs que:"Les nobles comme les non nobles donnent pour des raisons variées :

- pour le salut de leur âme et la rémission de leurs péchés,

- pour s’assurer de la protection du Temple,

- pour être inhumés dans un cimetière du Temple,

- pour se faire pardonner leurs mauvaises actions,

- et aussi, bien que plus rarement, pour aider les Templiers à lutter conter l’infidèle."

Voici ce qu'écrit, en 1868, Bernard Alart, archiviste départemental, connu pour ses recherches historiques en particulier sur "La suppression du Temple en Roussillon": "Cette famille (les Caramany) qui, dès cette époque, avait déja fourni quelques membres à la milice du Temple du Mas Deù, finit par s'établir en Roussillon où elle acquit une assez grande importance sous la dynastie des rois de Majorque."

Sainte Eulalie de CernonD'après lui, des Caramany étaient donc templiers avant 1242.

A Carol, par contre, page 98, affirme qu’en 1217, Huguet de Caramany s’intègre à la milice avec une partie de ses biens et qu’en 1242, la famille de Pons de Caramany forme plusieurs membres à l’intention de leur adhésion au Temple.

Malheureusement, les sources ne sont pas citées et les dates posent problème. Il est le seul à avancer la date de 1217 et l'on est en droit de se demander dans quel document il l'a trouvée. Quant à la date de 1242, correspondant à un document3 connu auquel B. Alart fait lui aussi référence, elle concerne Hugues et non Pons. Ce document précise en effet que le 8 novembre 1242, Pierre de Fenouillet, qui a tenté de reprendre son titre de vicomte après la mort du comte du Roussillon à qui la vicomté avait été donnée, rend hommage pour ses terres à son suzerain direct le vicomte Amalric de Narbonne. Il est accompagné de ses principaux chevaliers parmi lesquels Berenger du Vivier, Oton de Trillà et Huguet de Caramany.Les références à Pons de Caramany, actuellement connues sont plus récentes et vont de 1281 à 1340 environ, (à moins qu’il y ait eu plusieurs Pons).

Ce qui est sûr, c’est qu’au début du XIV ème siècle, le Mas Deù hébergeait parmi ses templiers un frère qui s’appelait Guillem de Caramany. Rien ne prouve comme j’ai pu l’évoquer avec Monsieur Vinas qu’il s’agisse d’un chevalier issu de la famille de Caramany, peut-être était-ce tout simplement un certain Guillem, originaire de Caramany. C’est souvent ainsi qu’on identifiait les personnes, puisque les noms de famille n’existaient pas au Moyen-Âge. Rien ne s’oppose non plus à ce que ce soit le même Guillem de Caramany, donateur au temple en 1249, ou qu’il soit issu de la famille d’Hugues et de Pons de Caramany : frère, oncle, père… ?

Nous connaissons son existence, grâce à l’arrestation des templiers du Mas Deù et à leur procès.

Après avoir réussi le 13 octobre 1307, la première grande opération de police à l’échelle du territoire, en faisant arrêter simultanément tous les templiers de son royaume, le roi de France, Philippe IV le Bel fait pression auprès des rois d’Aragon et de Majorque pour qu’ils en fassent de même.Le roi de Majorque, Jacques II, n’ordonnera d’arrêter les templiers du Mas Deù que le 23 décembre 1307. Ils resteront enfermés dans la commanderie et leurs interrogatoires débuteront seulement en janvier 1310.

Ils eurent tous à répondre à une série de questions préparées par le pape et c’est dans une de ces réponses que le frère servant (non noble) Arnald ou Arnau Septembre cite, le vendredi 23 janvier, Guillem de Caramany.

abbaye du Mas DeuAux questions 30 à 33 qui portaient sur la façon dont ils étaient reçus dans l’Ordre, il répondit : "que le jour où ils furent reçus, lui et le frère Guillem de Caramany, aujourd’hui décédé, par frère Ramon Saguardia, précepteur du Mas Deù, dans la chapelle de la maison, après leur réception, le frère Ramon les reçut, lui et son confrère, avec le baiser de paix, en signe d’amour et de charité fraternels.

A la question 86, il dit que Ramon Saguardia, précepteur du Mas Deù, le reçut frère de l’Ordre, il y aura quatre ans, lors de la fête de la Nativité de la glorieuse Vierge mère de Dieu, du mois de septembre prochain."

Guillem de Caramany est donc devenu templier en septembre 1306 et il est décédé entre cette date et janvier 1310. On peut raisonnablement penser qu’il est venu finir sa vie au Mas Deù, comme l’a fait Pierre de Fenouillet. Dans ces années là, Pons était seigneur de Caramany. En 1305, il avait demandé les droits de haute justice sur ses terres d’Axat et de Caramany à Philippe le Bel.4

Une fois de plus, la grande Histoire de France et des royaumes catalans a eu des répercussions sur la petite histoire de notre village.

Notes:

  1. Actuellement saint Arnac, le saint qui n’existe pas
  2. Cartulaire roussillonnais X, 181 Le Cartulaire est un gros volume en parchemin qui rassemble 850 actes relatifs aux diverses activités des templiers du Mas Deù.
  3. Alart Cartulaire roussillonnais X,P.15
  4. Voir l’article 1306 : dénombrement des feux sur ordre du roi, sur ce même site.

Sources:

  • "Notices historiques sur les communes du Roussillon" Vol.1 B Alart 1868
  • "Le procès des templiers du Roussillon" R.Vinas, Tdo Editions 2009
  • "L’ordre du temple en Roussillon" R. Vinas, Ed Trabucaïre 2001
  • "Templiers du Pays d’Oc et du Roussillon" S. Jean, Ed Loubatières 1998
  • "Mystérieuse Corbière de Sournia"(livret) A. Carol 2005
  • "Revue D’Ille et d’ailleurs" J. Tosti, n°2 Caramany 1986
  • www.templiers.net/chartes
  • www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/fonds

Photos:

1: La Cavalerie, comité départemental du tourisme de l'Aveyron

2: Bernard Caillens. La commanderie de sainte Eulalie de Cernon.

3: Carte postale. Abbaye du Mas Deu, datant des Templiers, un des plus beaux monuments historiques de la région, détruite par les Allemands le 19 Août 1944 - propriété de M. A.Astor  (archives personnelles)