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De 1716 à 1730, les seigneurs résident au château.
- Détails
- Publié le: 18/11/2015
- Auteur: Bernard Caillens
A l'époque troublée de la Révolution, le comte François Savary de Mauléon-Narbonne de Nébias que j'ai évoqué dans un précédent article1, ne résidait pas dans son château de Caramany, l'un de ses fiefs parmi beaucoup d'autres. Il avait hérité la seigneurie de sa mère, Madame la marquise de Mauléon-Narbonne de Nébias, née Suzanne de Roger de Caramaing, une famille qui au début du dix-huitième siècle était venue partager la vie de ses vassaux comme l'attestent plusieurs actes découverts dans les registres paroissiaux.
La famille de Roger
Le 5 mars 1711, un certain Jean de Roger, bourgeois de Limoux, anobli par capitoulat2 acquiert pour 34 500 livres tournois les seigneuries de Caramany, Trilla et le domaine de Casal germa sur le territoire de Caudiès. Il semblerait dès lors que la famille de Roger ajoute à son nom une nouvelle particule les de Roger de Caramaing, puisque c'était comme cela que l'on écrivait le nom de Caramany au XVIIIème siècle.
La première trace que nous avons de cette famille est un acte de décès daté du 30 juillet 1717. « Le même an que dessus et le trentième juillet a esté ensevelie noble anne roger fille a jean roger seigneur de caramaing morte le jour auparavant agee d'environ deux ans elle a esté ensevelie dans la seconde partie de la nef de leglise en foy de ce 3» Et c'est signé Molinat rr (recteur).
Cet acte nous apporte plusieurs informations importantes. La naissance de la petite Anne ne figure pas sur le registre de 1714 à 1716 . Il est logique de penser qu'elle n'est donc pas née à Caramany et que c'est autour de l'année 1716 que les de Roger sont venus s'installer dans leur château.
La famille est qualifiée de noble par le recteur Molinat mais l'usage de la particule ne semble pas être en usage ou en tout cas dans les habitudes du curé qui écrit anne roger ou jean roger.
Enfin, le fait d'appartenir à la noblesse accorde à la défunte le privilège d'être ensevelie dans l'église comme les prêtres et non au cimetière. Cette inhumation se fait dans la nef dont nous savons qu'elle faisait à peu près la moitié de la superficie actuelle mais que faut-il comprendre par deuxième partie ? Est-ce vers le fond de l'église, dans une chapelle ?
Le deuxième acte nous apprend que les de Roger se sont installés au village emmenant avec eux leur domesticité puisque leur valet décède l'année suivante: « L'an que dessus (1718) le huitième de mars a esté enseveli jean izard du lieu de limoux valet de mr de caramaing dans le st cimetière de la pnt paroisse agé denviron quarante annees, après avoir reçu les sts sacrements de l'eucharistie penitence et extreme onction en foy de ce Molinat rr»
Les marraines de baptême:
Trois ans plus tard, le 24 octobre 1721, mademoiselle Suzanne de Roger apparaît comme marraine de la petite Suzanne Rolland.4
« Le meme an que dessus et le vingt et quatrième octobre a esté baptisee susanne roulan fille a jean et à jeane fauré, parri le sr hugues molinat et marrine mademoiselle susanne de roger en foy de ce Molinat rr »
Cette fois-ci le curé Molinat a bien mis la particule, mais il ne maîtrise guère les termes français de parrain et marraine qui semblent tout droit venir de padri et padrina en catalan. Le parrain Hugues Molinat est certainement de sa famille, frère ou neveu. Quel lien peut avoir la famille de Roger avec la famille Rolland ?
L'acte suivant nous apprend que la même demoiselle est marraine du fils des bergers de son père. On peut en déduire que la famille Rolland est certainement aussi au service de la famille seigneuriale, ce que semble confirmer l' acte de décès, plus tardif puisque de l'année 1731, d'une jeune fille Anne Rolland qualifiée de fille de maison, précision importante car la profession pour les simples habitants, ménagers ou ménagères pour la plupart, n'est jamais mentionnée.
Le 25 janvier 1724, donc, Suzanne de Roger est à nouveau marraine :
« L'an et jour que dessus a esté baptise charles estebé fils de Jean estebé et de Therese Rives mariés pasteurs du troupeau de mr de caramaing son parrin a esté mr charles denegré de Caudiès officier dans les troupes du roy et sa marrine mademoiselle suzanne de Rouger5 de trilha, fille de feu noble Joseph de Rouger et de dame Catherine de Barri seigneurs de Caramaing »
Suivent les signatures Denègre, Suzanne de trilha, fabre rect. Un acte important qui nous apprend que Suzanne de Roger est la fille du seigneur de Caramany et qu'elle avait certainement déjà reçu en dot la seigneurie de Trilla . Son père Joseph est-il le fils ou le frère de Jean lui même seigneur en 1717, difficile à dire ? Nous ignorons également le nom de son successeur. Les actes suivants, encore des baptêmes, montrent que la famille est encore présente dans le village au moins jusque dans les années trente, mais ils ne font mention que de la soeur, Marie, puis peut-être de la fille, Catherine, de Monsieur de Caramaing.
« Lan de dessus (1727) et le dix neuvieme de janvier a ésté baptisé pierre joulia fils de mathieu et d'Elisabeth Bedos mariés son parrin a ésté le sr pierre Ruelle bourgeois de Caudiès et sa marrine demoiselle Marie de Roger sœur de mr de Caramaing en foy de ce fabre rect. »
« L'an mil sept cents trente et le quatorzieme de février a esté baptisé Catherine Rollan fille de martin Rollan epoux de Marie Bedos mariés son parrin a esté ???? fabes religieux clerc du monastère de Ripouil en Catalogne et sa marrine demoiselle Catherine de Rougé de cette paroisse en foy de ce fabre rect. »
Plus aucune trace des de Roger entre 1730 et 1735. Pourtant cette année-là devait naître selon certaines sources trouvées sur le site Geneanet, Suzanne de Roger de Caramaing qui allait épouser en 1754 Marc Antoine de Mauléon-Narbonne de Nébias.
Héritère en tant que fille aînée de la seigneurie de Caramaing, elle allait la transmettre à son fils François Savary de Mauléon-Narbonne de Nébias, le dernier seigneur en titre.
Madame la marquise de Mauléon nous a laissé une trace importante de son passage ou de son intérêt pour ses domaines . Selon Louis Chauvet, maire en 1814 et 1815, c'est elle qui aurait fait construire le pont d'Ansignan sur la Désix.6
Notes:
- François de Mauléon-Narbonne seigneur de Caramany, rubrique histoire
- Les capitouls étaient des habitants désignés par le seigneur et parfois élus pour représenter les habitants .(A Caramany, on disait les consuls) Il s'agissait souvent de bourgeois aisés. A partir de 1258, on considère qu'une famille bourgeoise peut devenir définitivement noble si le père et le fils ont été capitouls. Le roi Henri II en 1552 ordonne que les capitouls jouissent des mêmes droits et prérogatives que les autres nobles du royaume.
- L'orthographe, les majuscules et la ponctuation sont reproduites comme dans le texte.
- On donnait pratiquement toujours au bébé le prénom de la marraine ou du parrain.
- Le curé Fabre écrit Rouger et même Rougé alors que le curé Molinat écrivait Roger. N'oublions pas qu'ils parlent occitan, le o se prononce ou et les variantes que l'on trouve dans les noms de famille viennent de ces transcriptions phonétiques ou non.
- Lettre en date du 20 septembre 1833 de Maitre Saisset avoué à Louis Chauvet. « Vous me dites que le pont d'Ansignan a été construit par la grand-mère de Monsieur de Mauléon... » Suzanne de Roger de Caramaing est bien la grand-mère de Mathieu de Mauléon, fils de François Savary.
Sources :
- registre paroissial BMS 1655-1737 archives départementales des PO
- correspondance avec Monsieur le comte Gilles de Mauléon-Narbonne
Photos:
1 et 2: actes numérisés archives départementales des PO, registre paroissial
miniature et 3: le pont sur la Désix - archives personnelles