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Les années en 1: de 1891 à 1991
- Détails
- Publié le: 20/11/2021
- Auteur: Bernard Caillens
1891 : le stationnement pose problème. Déjà !
date : le 7 septembre.
maire : Nicolas Dabat
La commune compte plus de 500 habitants et presque chaque famille possède un cheval ou un mulet. Qui dit équidé dit charrette, et si les écuries sont bien utilisées, il semblerait que certains oublient d'y rentrer leur moyen de transport. A tel point que Monsieur le Maire estime que cela gêne la circulation. Il envisage donc de prendre l'arrêté suivant. Le texte n'est pas définitif puisque le document retrouvé n'est pas encore signé et comporte une rature et un blanc.
« Vu la loi municipale du 5 avril 1884, art.90 paragraphe 5,
Considérant qu'il importe d'assurer la libre circulation dans les rues de la commune, déjà bien étroites, et sur les places publiques, dans un but de sûreté générale,
Arrêtons
Art. I Il est expressément défendu à tout roulier ou conducteur de laisser stationner sa charrette sur la voie publique, (soit rue soit place, le tout barré) ni pendant la nuit, ni pendant le jour.
Art. II Tout roulier sera tenu de conduire sa charrette à ... mètres au delà de la dernière maison du village située sur une route ou chemin quelconque aboutissant dans la commune.
Art. III M. le garde champêtre reste chargé de l’exécution du présent arrêté qui deviendra exécutable après avoir été revêtu de l'approbation de M. le Préfet. »
1901 : Lettre au Président de la République
date : le 4 novembre
maire : Nicolas Dabat
Les registres de délibérations sont faits pour enregistrer... les délibérations. Nous avons vu à plusieurs reprises qu'on y trouve aussi les arrêtés pris par Monsieur le Maire. Mais pour qu'un autre document ait l'honneur d'y figurer, il faut qu'il revête un caractère exceptionnel. Ce fut le cas en 1848 pour celui intitulé Notice sur le clocher de Caramany. En cette année 1901, un texte remplit les pages 23, 24 et 25 du registre, et pas n'importe quel texte puisqu'il est intitulé « A Monsieur le Président de la République à Paris. »
Les conseillers municipaux portent à la connaissance du Président, en l’occurrence Émile Loubet (mandat de 1899 à 1906) qu'ils viennent d'être informés par le maire que leur « illustre compatriote, M. Tressere Jean, domicilié à Lyon, acquitte les contributions des propriétaires nécessiteux durement éprouvés cette année par la mévente du vin ».
En 2010, vous avez pu lire dans la rubrique anecdotes, sous la plume de Philippe Garcelon, l'extraordinaire réussite dans le monde du commerce de Jean Tressere. Une réussite économique qu'il fait aller de pair avec sa fibre sociale ; il crée une caisse de retraite pour ses employés et est membre de « centaines de sociétés de secours mutuels, de gymnastique, de musique et en général de toute société qui concerne les beaux arts et surtout la mutualité. »
Et surtout Jean Tressere n'oublie pas ses compatriotes de Caramany.
Revenons donc à cette lettre que Nicolas Dabat a sûrement fait écrire à quelqu'un d'extérieur à la commune. L'écriture est différente de celle habituelle du registre et démontre un haut niveau de culture. Si la première partie (une bonne page) reprend les informations que vous pourrez retrouver dans l'article mentionné ci-dessus, la suite concerne son action dans le village.
« Enfin, Monsieur le Président de la République, et ceci nous intéresse plus directement, combien notre commune ne lui est-elle pas redevable ! Président honoraire de notre société de secours mutuel, il en a facilité puissamment l'organisation, et depuis sa fondation elle en reçoit des dons annuels à tel point que l'on peut dire que si l'appui de Monsieur Tressere lui faisait défaut, elle ne tarderait pas à péricliter. Grâce à lui que de misères soulagées ! Que de malades secourus ! Durant les rudes mois de l'hiver, outre les dons mensuels et réguliers, les indigents reçoivent des secours en espèces et en nature ; plus d'un qui, sans lui, serait obligé d'aller tendre la main, n'a qu'à s'adresser à Monsieur Tressere, sa générosité ne fait jamais défaut ; il est le soutien des Pauvres, l’espoir des malheureux.
Cette manne bienfaisante, il vient encore nous la prodiguer... Alors que des politiciens mal intentionnés cherchent à exploiter la mévente des vins au profit de leurs ambitions, et crient aux malheureux agriculteurs que le Gouvernement est cause de la situation actuelle, notre protecteur nous offre le plus efficace des appuis en acquittant les impôts, et fait ainsi en même temps œuvre éminemment patriotique.
La commune de Caramany a le droit d'être fière de son enfant, mais si à chaque droit correspond un devoir, notre devoir est de signaler sa noble conduite, car lui, trop modeste pour solliciter, fait le bien et se cache. Monsieur le Président de la République, vous qui naguère prononciez à Nice de si belles paroles en l'honneur de la Mutualité, vous qui, sorti comme lui du sein du peuple, possédez les grandes vertus civiques, vous comprendrez notre lettre et le souffle de reconnaissance qui nous anime.
Un grand Ordre, orgueil de notre France existe, qui est destiné à récompenser les belles actions, les services civils et militaires. Aussi, Monsieur le Président de la République, venons nous vous prier très respectueusement de bien vouloir examiner en votre loyale conscience, si les services rendus par M. Tressere ne pourraient être récompensés par la croix de chevalier de la Légion d’Honneur... »
Il semblerait que la supplique du Conseil municipal n'ait guère été suivie d'effet car Jean Tressere ne figure pas sur la liste des légionnaires décédés avant 1977 que fournit le site des archives nationales.
1911: Les rues se dégradent trop vite et trop souvent.
Date : le 18 juin, à 2 heures du soir
maire : Nicolas Dabat
Décidément, Nicolas Dabat a fort à faire. Certaines habitudes de la vie de tous les jours, relevant de l'insouciance ou de la liberté individuelle deviennent difficilement conciliables avec la vie d'un village où la population est nombreuse et dense à cause du bâti urbain, et à une époque où l'on commence à comprendre l'importance de l’hygiène.
Après le lavoir municipal (1886), le stationnement (1891), le projet fontinal (1898-1902), la propreté aux abords des fontaines (1902), la couverture du Torreng (1909), il s'attaque donc aux rejets d'eau dans les rues. N'oublions pas qu'elles sont en terre battue. Avant d'intervenir, il demande l'avis de son Conseil.
« Considérant que les gouttières saillantes ou gargouilles qui rejettent les eaux pluviales et les eux ménagères de vaisselle ou autres provenant des éviers sur la chaussée des rues et ruelles sont une des principales causes de la dégradation de la voie publique, que la circulation est toujours rendue difficile dans l’intérieur du village pendant ou après les pluies tant soit peu abondantes et par les eaux provenant de certains éviers, qu’il importe que les réparations faites aux rues soient durables,
Est d'avis qu'il y a urgence que soit pris un arrêté municipal prescrivant la suppression des gouttières saillantes ou gargouilles déversant les eaux de pluie et les eaux ménagères de vaisselle ou autres provenant des éviers sur la chaussée des rues et ruelles et leur remplacement par des tuyaux de descente conduisant les dites eaux jusqu'au niveau du pavé des caniveaux
Il sera fait exception pour les tuiles qui déversent les eaux des toits en minces filets dans les caniveaux.
Un délai de six mois sera accordé aux propriétaires pour se conformer aux prescriptions dudit arrêté. »
Qu'on se le dise !
1921: La commune se dote d'un corbillard
date : le 5 mars
maire : Paul Gély-fort
Vu la situation du cimetière qui se trouve éloigné du village, M. le Maire expose au Conseil la nécessité d'acheter au plus tôt un corbillard.
Le dit conseil autorise sans problème le maire à traiter de gré à gré avec le sieur Marsol Louis, camionneur à Caramany, lequel vendrait une voiture à quatre roues en très bon état pour le prix de 1000 francs.
Cette voiture sera stockée sur la place publique, à côté de l'école dans le garage qui prendra peu à peu et jusque dans les années 1970, le nom de "garage du corbillard"
1931: Les pluies d'automne ont encore été violentes.
date : le 5 mai à huit heures du soir
maire : Paul Gély-fort
Cette délibération nous apprend que de violentes inondations ont eu lieu du 1er au 10 octobre 1930. Elles ont rendu impraticables la rue du ruisseau et pour faire face aux dégâts, une subvention a été demandée.
Monsieur le Maire rappelle donc au Conseil qu'une somme de 39 814 francs (une somme énorme pour l'époque, qui permet d'en déduire que les réparations à mener sont considérables) a été accordée et propose qu'une demande soit adressée à M. le Préfet en vue « d'autoriser le travail en régie, en raison de la crise de chômage qui sévit dans la région. »
L'intention du maire est fort louable ; en plus de remettre sa rue en état, il souhaite permettre à ses concitoyens d'avoir quelques rentrées d'argent.
1941 : La guerre impose des mesures radicales
date: le 7 février
maire : Paul Gély-Fort
Les périodes de guerre sont hélas propices aux réquisitions . Mais il est rare de voir des réquisitions de sarments. Paul Gély-Fort appuie son arrêté sur la loi du 11 juillet 1938 sur l'organisation de la Nation en temps de guerre et sur l'arrêté de M. le Préfet en date du 4 février 1941 (il n'a donc pas perdu de temps) qui considère qu'il y a intérêt national à éviter toute perte de matière première.
« Article 1er : A partir du 10 février 1941, il est interdit sur l'ensemble du territoire de la commune de brûler sur place les sarments ou de les détruire de quelque manière que ce soit ; les sarments seront obligatoirement ramassés dans les vignes par les propriétaires et placés en tas à port de charrette.
Article 2 : Les sarments non utilisés pour les besoins de propriétaires seront mis à la disposition de M. le Maire qui en fera la répartition aux boulangers... »
Remarque : Cet arrêté est l'un des derniers actes politiques de Paul Gély-Fort en tant que premier magistrat. Resté à son poste après la défaite de 1940, il n'apprécie guère, en tant qu'ancien combattant de 14-18 et socialiste militant, le glissement de l’État Français vers une collaboration avec l'Allemagne nazie.
Le journal officiel de la République française en date du 4 juin 1941, page 2316, fait état de la dissolution du Conseil municipal de la commune de Caramany et de la nomination d'une délégation spéciale pour gérer les affaires communales. L'arrêté est signé Al Darlan, celui-ci ayant le double titre d'Amiral de la Flotte et ministre secrétaire d’État à l'Intérieur.
1951 : Un désastre pour les agriculteurs
date : avril
maire : Clément Caillens
« Le Conseil municipal a l'honneur de signaler à M. le Préfet, l'étendue du désastre qu'a subi le territoire de la commune à la suite du violent orage de grêle de l'après-midi du 7 avril.
Pour 420 hectares de vignes cultivées les dégâts constatés par les propriétaires s'élèvent
pour 200 hectares de 45 à 50%
pour 100 hectares de 20 à 30%
pour 50 hectares de 10 à 15% .
Le Conseil demande à M. le Préfet d'obtenir pour les propriétaires récoltants sinistrés
1°) le déblocage immédiat de la deuxième tranche de vin,
2°) la suppression la fourniture d’alcool vinique et de la distillation obligatoire s'il y lieu,
3°) le dégrèvement des impôts de l'année 1951,
4°) le dégrèvement des impôts sur les bénéfices agricoles de l'année 1950,
5°) que les experts des services agricoles se rendent sur les lieux pour constater les dégâts. »
1961: On se prépare à la construction du Foyer Rural
date : le 6 septembre
maire : Clément Caillens
Le projet de construction du futur Foyer rural, que l'ont veut au centre du village, rend nécessaire l'acquisition de certaines granges ou dépendances qui en occupent l'emplacement.
Le Conseil autorise donc monsieur le Maire à acheter, pour la somme de six mille cinq cents nouveaux francs, l'immeuble Ferré, d'une surface au sol de 137 mètres carrés cadastré sous les n° 137 et 139 de la section B lieudit le village. Ce local est on ne peut mieux placé, en bordure de la route départementale 9, face à la place publique. Mais il aussi la particularité, au niveau de la rue inférieure, actuellement rue de l'abreuvoir, d'abriter un grand puits qui fournit de l'eau fraîche. Madame Raymonde Ferré née Bédos, la propriétaire, consent donc à la vente, à condition de pouvoir utiliser ce puits sa vie durant.
Cette condition une fois acceptée, la municipalité tirera aussi profit de cette particularité, puisque lors des travaux sera installée une pompe qui livrera l'eau du puits deux étages au dessus, au niveau du bar. Je me souviens encore de ce petit robinet et de son bac placé tout à côté de l'évier classique, qui permettait de remplir rapidement les carafes avec de l'eau fraîche et naturelle.
A noter que, si le puits n'est plus utilisé, le local lui, existe toujours. Il abrite la cuve à mazout du foyer rural, le matériel communal d'incendie et il a été reconfiguré pour créer un abri conteneurs bien pratique pour le quartier du ruisseau.
1971: Le projet de rénovation du réseau de distribution électrique est voté.
Date : 12 février
maire : Clément Caillens
Depuis plus d'un an (voir les années en 0), la municipalité travaille sur le projet de rénovation du raison de distribution électrique. Rappelons qu'il date de 1928, et que compte tenu de sa vétusté mais aussi des progrès techniques réalisés depuis, il a besoin d' un bon coup de jeune.
Ce jour- là, Monsieur le Maire présente deux études techniques et financières réalisées par la DDA (Direction Départementale de l’Agriculture) qui set de bureau technique aux petites communes.
La première concerne le renforcement du réseau existant pour la somme de 115 000 francs et la deuxième des travaux de modernisation, en particulier pour l'éclairage public, pour la somme de 33 000 francs.
Prenant acte de l'aide obtenue auprès du Ministère de l’Agriculture et de la participation d'EDF, le Conseil, vu l'urgence des travaux, vote un emprunt à long terme auprès la Caisse nationale du Crédit Agricole et un emprunt complémentaire auprès de la Caisse régionale du même organisme.
Par ailleurs, le Conseil désigne messieurs René Grieu et Henri Foussat comme membres de la commission chargée du suivi des travaux. C'était certainement une mesure obligatoire mais qui n'aura d'effet que jusqu'au 14 mars, date des élections municipales. Clément Caillens et son équipe ayant décidé de ne pas briguer un autre mandat, les travaux seront menés par l'équipe suivante.
1981 : Aménagement du quartier de la Bade
date : le 21 octobre
maire : Eloi Tresseres
Le 9 octobre, le concours de la DDE (Direction Départementale de l’Équipement) a été demandé pour étudier la création, à la rue de la Bade, d'un terrain de boules et d'un espace vert. Ce sera, dans un premier temps, l'intitulé retenu mais dans l'esprit de la municipalité, cet espace aura vocation à devenir un camping.
Dans sa délibération, le Conseil municipal décide de lancer le projet pour une estimation de 150 000 francs et, en complément, de prolonger le réseau d'éclairage public jusqu'à la zone d'aménagement.
1991: Le monument aux Morts va se rapprocher.
date : le 24 septembre
maire : Edgar Ubert
Le Conseil municipal a constaté que, d'année en année, le vieillissement de la population va de pair avec la baisse de la participation aux différentes commémorations patriotiques. En cause, la remontée de la fameuse daballada qui est une épreuve pour les personnes âgées.
Une étude a donc été confiée aux services techniques de la DDE pour transférer le monument de son emplacement primitif jusqu'à l'entrée du village, côté cave coopérative, au lieu-dit le Contour. Le projet permettrait également d'améliorer esthétiquement cette entrée en créant un dallage et en plantant des oliviers, arbres de la paix.
Après étude des devis, le Conseil municipal retiendra la somme de 150 000 francs, bien supérieure à l'estimation préalable qui était de 116 880 francs. C'est le 8 mai 1992 que le nouvel emplacement, pavoisé aux couleurs de la République recevra sa première gerbe, en l'honneur de tous les enfants de Caramany morts pour la France.
Un peu plus tard, l’emplacement primitif, au bord de la RD 21 sera transformé en aire d’accueil avec table, poubelle et petit bassin par les soins de l’employé communal Claude Legrand.
Clap de fin : 200 ans d'archives municipales
C'est avec ce déplacement du monument aux Morts que se termine le cycle de recherches commencé il y a 10 ans, en mars 2012. Chaque semestre, nous avons visité un siècle d'archives et rencontré maires et conseillers, secrétaires, crieurs publics, gardes champêtres, instituteurs et autres fonctionnaires, mais aussi de nombreux Carmagnols et Carmagnoles. Ils nous ont fait découvrir par des événements, quelquefois anecdotiques mais parfois exceptionnels, l'Histoire de Caramany qu'ils ont contribué à écrire au fil du temps. Ces éléments de mémoire soigneusement conservés dans les registres des archives municipales sont désormais à la disposition de tous ceux qui voudront mieux connaître Caramany ; c'était l'objectif de ces recherches.
Sources :
- Archives municipales – registres de délibérations
- Un Carmagnol s'illustre dans les affaires - Philippe Garcelon, rubrique Anecdotes de ce site. 2010
- Journal Officiel de la République française du 4 juin 1941
- htpps://www.leonore.archives-nationales.culture.gouv.fr
Photos :
1: Texte sur Jean Tressere extrait de l'article de Philippe Garcelon
2: Le ruisseau de la Teulière, le Rec, après une grosse pluie
3: le Foyer rural quelques années après sa construction
4 et miniature: Le monument aux morts sur son nouveau site