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Les moulins de Caramaing-7
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- Publié le: 26/12/2024
- Auteur: Bernard Caillens
XII. De l’utilité des moulins à huile ?
XII.1 L’olivier cultivé depuis des siècles.
La carte de Cassini ne prête pas à discussion : il y avait aussi vers 1790 à Caramaing, deux moulins à huile, l’un sur le rec de la Bécède, au niveau du Prat Gran, actuellement au bord de la RD 21 ; l'autre plus en amont, juste au-dessus du confluent entre la Bécède et le rec d’En Sérène.
Bien sûr, l'olivier, arbre méditerranéen par excellence, est bien présent à Caramany depuis des siècles, fournissant des fruits précieux, autant pour leur qualité gustative que pour la fabrication de l'huile qui est l'un des fondements de la cuisine du Midi, sans oublier son utilité pour l'éclairage.
La recherche de 1594 conservée aux archives municipales, signale déjà que les terres cultivées comportent des champs, des vignes et des olivettes.Au début du XVIIIe siècle, des achats d'huile apparaissent régulièrement dans les dépenses de la Fabrique et certains legs qui lui sont faits concernent justement des quantités d'huile, ce qui montre l'importance du précieux liquide.
Le registre des emphytéotes de 1753*1 recense une mise en culture d'olivettes d’environ 6 ha, mais la production ne se limite certainement pas à quelques terrains bien identifiés. Il faut y rajouter les nombreux arbres qui ont été plantés en bordure d'un champ, d'une vigne, à côté d'une cabane ou sur une petite terrasse aménagée à flanc de colline. Les oliviers sont surtout implantés au nord du village dans le ravin qui plonge vers l'Horto, ainsi qu'aux lieux-dits la Route, les Fumades ou Lluzens.
Dans l'inventaire des biens des émigrés, on découvre qu'en 1792, monsieur le Comte possédait trois hectares d'olivettes, que plusieurs de ses champs étaient entourés de « gros et beaux oliviers*2. »
Les actes notariés contiennent de nombreux actes de vente d’olivettes et s’il fallait donner une preuve supplémentaire de l’importance de cet arbre dans l’économie locale, il suffirait de relire tous les baux passés après la Révolution par les Chauvet avec leurs fermiers qui, systématiquement, incluent une clause de plantation annuelle d’oliviers.
*1 D'Ille et d'ailleurs Caramany - page 18
*2D'Ille et d'ailleurs, Caramany - page 20
XII.2 Quand commence leur histoire ?
A part le petit brouillon mentionné dans le paragraphe relatif à Jacques Roger, les archives municipales ne livrent aucun élément sur les moulins à huile. Mais les nombreux documents découverts aux Archives départementales m’ont fait acquérir petit à petit la certitude que leur histoire n’était pas liée. J’en déduis que leur construction non plus.
Il faut garder en mémoire que sous l’Ancien Régime, la construction et l’exploitation de moulins était du ressort des seigneurs. Or à l’approche de la Révolution, deux moulins à huile sont exploités, ce qui, à moins d’une grosse production d’olives, peut déjà paraître comme une anomalie, mais encore plus étrange, un seul appartient à la famille seigneuriale et enfin, ce qui est assez incompréhensible, c’est que celui qui est en amont fait logiquement concurrence à celui de l’aval. Comment en est-on arrivé là ?
Pour la clarté du récit, je les distinguerai par les appellations retrouvées dans les documents : celui de l’amont était appelé le moulin de la Sale, celui de l’aval est désigné comme le moulin du seigneur, le moulin d’abaill, (d’aval, aval en occitan est ici écrit en phonétique) expression qui semble être propre aux Chauvet puisqu’ils possédaient aussi en partie le moulin de la Sale, donc d’amont. Le toponyme le plus souvent employé dans les inventaires est le moulin du Prat del four. Il disparaîtra ensuite pour être englobé dans celui du Prat Gran.
Ces constatations m’ont peu à peu amené à élaborer une hypothèse que d’aucuns jugeront peut-être audacieuse. Pour répondre à la nécessité d’assurer à la paroisse une production d’huile, une famille seigneuriale (laquelle ?) a fait construire sur des terres lui appartenant, la Sale, un petit moulin, espérant certainement qu’en dérivant les eaux du rec d’En Serène sur sa gauche et de la Bécède sur sa droite, le volume d’eau fourni serait suffisant. Sur le plan ci-joint le rec est appelé de la Sale. Constatant que le rendement était plus faible que celui espéré, une autre usine est construite plus en aval, toujours sur des terres seigneuriales, toujours proche du village. A cet endroit, le débit de la Bécède, est renforcé par plusieurs sources, celles de las Encatadas, de la font d’en Romeu et de la Gamado mais surtout la topographie du lieu permet de construire des réservoirs.
Si cela s’avère exact, le moulin de la Sale serait antérieur à celui du Prat del four, et devenu inutile au seigneur, il aurait été vendu ou donné au curé, ce qui explique la situation connue en 1791, le premier à Jacques Roger, le second à la famille Mauléon.
XII.3 Le moulin à huile de la Sale :
Aussi loin que j’ai pu remonter dans les actes notariés, on le trouve en possession de maître Cuguillière, curé de la paroisse de 1731 à 1762.
Le 28 janvier 1758*1, devant maître Pepratx, notaire à Caudiès de Fenouillèdes, « afin de donner moyen de vivre honnêtement à son neveu monsieur Antoine Cuguillière qui a pris la vocation ecclésiastique, il a obligé spécialement1 les biens qu’il possède ce jour dans le terroir de Caramaing consistant en un moulin à huile lieu dit la Sale, contenant 49 cannes, plus un jardin contigu contenant 5 boisseaux, plus une vigne. Les témoins Etienne Chauvet (chirurgien), Mathieu Joulia, Joseph Foussat confirment que ces biens sont en toute propriété au dit Cuguillière. »
Les registres de la Fabrique, tout en ne nous apportant pas la solution, permettent quelques déductions. L’état des comptes démarre en 1701 et chaque année les marguilliers achètent de l’huile pour l’éclairage de l’église. La provenance de cette huile n’est malheureusement jamais indiquée sauf en 1724 « pour un dourc2d’huile et le billet à Latour » et un peu plus loin « plus pour trois cartons d’huile et les droits à Ille ». Lorsqu’on achète l’huile à l’extérieur de la paroisse, il y a donc des droits à payer. Doit-on en déduire que tous les autres achats annuels sont faits à Caramaing ? Si c’est le cas, c’est qu’un moulin existe déjà. Dans les années 1730, les paroissiens font de très nombreux legs d’huile à la Fabrique. Producteurs d’olives, on les voit mal transporter leur récolte à Ille ou à Latour pour obtenir l’huile qu’ils vont ensuite offrir à l’œuvre de la paroisse. Mais si un moulin existe à qui appartient-il ? Le curé Cuguillière n’arrive qu’en 1731, pour succéder au recteur Fabre, très précis dans sa comptabilité et qui ne fait jamais allusion à la possession d’un quelconque moulin. En 1735, il nous livre une information précieuse qui, loin de nous éclairer, ajoute à la confusion. Il note « plus le 27 9bre, pour un dourg d’huille acheté à mr de caramaing soit 13 livres. » Il serait simple d’en déduire que Monsieur de Caramaing, en tant que seigneur du lieu, possède un moulin et vend son huile à la Fabrique. Mais alors pourquoi l’année où il est cité comme vendeur, (ce sera la seule fois en 34 ans), le prix d’achat, 13 livres, est bien supérieur au prix du marché, 10 livres en 1734 et 1736 ? Cela semble au contraire montrer que l’achat à Monsieur de Caramaing est exceptionnel et que peut-être les deux moulins existent déjà.
On ne peut donc être affirmatif que sur un point : maître Pierre Cuguillière a acquis le moulin de la Sale entre 1731 et 1758.
Heureusement pour nous, son histoire est ensuite plus facile à suivre. En 1763, maître Antoine Cuguillère, qui contrairement à son oncle Pierre ne met pas de i après le ill de son nom, succède à celui-ci comme curé de Caramaing. Le 9 avril, il fait rédiger sa prise de fonction devant le notaire Pepratx, car, en plus des droits attachés à la cure, il hérite de ses biens personnels*1.
A son tour, le 8 octobre 1784, il rédige son testament dans lequel il nomme comme héritier son frère Jean qui habite Limoux et en 1785, ce dernier délègue, son autre frère Bernard, maître en chirurgie habitant de Caudiès de Fenouillèdes, pour régler la succession auprès de maître Pepratx, notaire royal dans la même ville. En fait, plusieurs actes sont signés le 26 juillet 1785*2. C’est ainsi que l’on apprend que Pierre Cuguillière avait fait deux legs, l’un de 50 livres à l’œuvre de la paroisse, l’autre de 500 livres aux pauvres de Caramaing, legs en l’occurrence qui n’avaient pas encore été honorés. Mais l’acte qui nous intéresse le plus est celui qui stipule que Bernard Cuguillère, toujours en tant que procureur de son frère Jean, « a vendu purement et simplement à perpétuité à Jacques Rogé et Pierre Vignaud habitants du lieu de Caramaing le moulin à huile et jardin joignant avec tous les outils qui ont été remis au Sieur Busquet fermier actuel » Le montant de la vente d’élève à 1 100 livres et les nouveaux propriétaires disposeront du bien après l’expiration du bail consenti au Sieur Busquet. C’est un élément important qui montre que Monsieur le curé, non seulement exploitait son moulin mais avait aussi un fermier, preuve d’une certaine activité alors que ne l’oublions pas, le moulin à huile du seigneur fonctionnait aussi un peu plus bas.
*1 ADPO 3 E34/343 notaire Pepratx à Caudiès de Fenouillèdes
*2 ADPO 3 E34/235 notaire Pepratx à Caudiès de Fenouillèdes
XII.4 Du curé aux propriétaires cultivateurs
C’est donc en bien en 1785, comme nous l’avions vu dans le chapitre II.7, que Jacques Roger passe du statut de meunier, sous-entendu à farine, à celui de négociant ou ‶traficant″, terme employé pour ceux qui vendent de l’huile.
En 1791, son moulin est imposé pour la somme de 100 livres et il fait une réclamation auprès des autorités municipales. C’est l’information révélée par le petit brouillon, trouvé dans un registre de délibérations, qui était destiné à préparer la séance du 15 juin 1792, dans laquelle le Conseil devait délibérer sur le fait que « Jacques Roger, bientenant de Caramaing, se plaint que son moulin à huile est surchargé de revenus par suite d'une erreur. » Le corps municipal et les notables, « vu qu'il y a une erreur considérable, statuent que le dit moulin peut porter année commune la somme de 25 livres de revenu net ». Jacques Roger a bien fait de réclamer, encore fait-il rajouter qu’il est d’accord « sauf s'il s'y trouve encore une erreur de faire nommer des experts par qui de droit pour faire évaluer la valeur du moulin. » A son décès en 1803, son fils Pierre héritera de cette propriété indivise.
Mais deux ans plus tard, le 8 germinal an XIII (29 mars 1805), Pierre Vignaud vendra sa part, devinez à qui ? A Charles Chauvet, pourtant propriétaire, à ce moment-là du moulin à huile du Prat del four*1. Difficile de ne pas voir une fois encore, derrière cette transaction, la volonté des Chauvet de contrôler toute l’économie du village et d’éliminer la concurrence. Le montant de la vente est de 1 000 francs ; l’acte reprend bien sûr la situation d’indivision avec Pierre Rougé (la façon d’orthographier ce nom de famille change tout le temps), de même que l’implantation du moulin, mais il précise aussi une partie du matériel : « La présente vente comprend encore la chaudière, une caisse, un carton et une natte, le tout en cuivre, plus deux gros avant clous servant à percer les mestres et les ? ensemble, trois douseines de cabas, une comporte cerclée en fer et un collier pour le cheval qui fait tourner la meule, lesquels effets sont également communs avec Pierre Rougé. » Le dernier élément, l’utilisation d’un cheval est révèlateur du fait que le volume d’eau qui se présente à l’entrée du moulin doit bien souvent être insuffisant.
Le lendemain, devant le même notaire Denis Bauby, venu pour un petit séjour à Caramany afin de régler un certain nombre d’actes, « Pierre Rougé, négociant a reçu 250 francs de Pierre Vignaud en remboursement de pareille somme que feu Jacques Rougé, père, avait payé à la décharge dudit Vignaud au sieur Cuguillère de Limoux… pour compléter la somme de 550 francs que ledit Vignaud était chargé de payer pour la moitié du prix du moulin à huile vendu*. » Pierre Vignaud qui d’ailleurs, n’a jamais été qualifié de négociant mais toujours de cultivateur vend donc sa part pour éponger la dette qu’il a envers les Roger. Il trouve de l’argent auprès de Charles Chauvet qui, n’en doutons pas, a dû lui prêter une oreille attentive.
En 1807, le moulin de la Sale est bien porté sur l’inventaire des biens de feu Charles Chauvet et il est toujours en indivision. Il fait encore parler de lui, de manière indirecte en 1816. En effet, le 8 mars, Louis Valentin Chauvet, déjà pris par sa boulimie d’entreprendre, dépose un permis de construction d’un moulin à huile*2. Dans son exposé, il précise : « qu’il possède à un quart de lieue, loin de ladite commune, deux moulins à huile, que pour la commodité du public, il voudrait en construire un nouveau dans la commune même, mais qu’à l’effet d’alimenter la chaudière de ce dernier moulin, il aurait besoin de l’eau de la fontaine située au fond du village ainsi que de celle du ruisseau dit de las Gourgues3 qui s’y joint en faisant en tout qu’un très petit volume et qui ne peut être d’aucune utilité en hiver. » On voit, rien qu’à l’emploi de l’expression « loin de la commune », que Louis Valentin Chauvet sait présenter les choses en sa faveur ; il n’aurait donc aucun intérêt à signaler qu’il est aussi propriétaire du moulin de la Sale si celui-ci ne lui appartenait pas entièrement et encore moins, s’il n’était plus utilisé. Je pense donc qu’en 1816, ce moulin fonctionnait toujours et peut-être même que Pierre Roger avait revendu sa part à son co-propriétaire.
Qu’est-il advenu de ce premier projet ? Etant maire, Louis Valentin Chauvet a lui-même rédigé l’affiche annonçant l’enquête publique, mais il n’a pas signé le compte-rendu qui mérite d’être lu, pas tellement pour l’avis émis qui ne présente aucune surprise mais plutôt pour son signataire. « Nous adjoint de Monsieur le Maire de Caramany, vu la pétition de Monsieur Louis Valentin Chauvet, vu l’arrêté de Monsieur le Préfet, avons affiché la pétition du 27 mars au 17 avril avec invitation aux citoyens qui auraient des observations à les faire au secrétariat de mairie… Personne ne s’étant présenté et la demande du pétitionnaire étant reconnue avantageuse aux habitants de la commune estimons qu’elle ne doit pas être rejetté(sic).
Fait à Caramany, le 18 avril 1816.
Pour l’adjoint au maire illitairé (sic) qui nous a requis de signer : Pierre Roger conseiller municipal.
Et oui, hasard des circonstances le signataire n’est autre que l’ancien co-propriétaire du moulin de la Sale qui fait donc partie de l’équipe Chauvet. D’ailleurs, après 1806, il n’est plus qualifié de ″traficant‶ mais seulement de cultivateur, signe qu’il a certainement cédé sa part du moulin.
A partir de 1816, plus de traces, en l’état actuel des recherches, ni du projet du Rec de las Gourgues, qui a dû être abandonné, ni du moulin de la Sale, certainement délaissé peu à peu au profit de celui d’abaill, entre 1816 et 1833. En effet, il ne figure pas, même à l’état de ruines, sur le plan cadastral, dit napoléonien publié en 1834.
*1 ADPO 3 E 72/13 notaire Bauby à Latour de France
*2 ADPO 13 SP24 Moulins
XII.5 Le moulin à huile du Prat del four :
Sa construction est antérieure à 1758, année où le recteur Cuguillière était de manière certaine déjà propriétaire du moulin de la Sale. Les familles seigneuriales Roger de Caramaing ou plus récemment Mauléon-Narbonne peuvent en être à l’origine.
En 1791, il est taxé pour la somme de 150 livres, mais contrairement à celui de Jacques Roger, aucune réclamation de trop forte imposition n’est faite par la famille Maulèon-Narbonne, qui, du fait de la Révolution a bien d’autres soucis. Et ceux-ci ne font que commencer car, à partir de 1792, comme son grand frère le moulin du Jounquié, le moulin à huile du Prat del four va traverser la période mouvementée des biens nationaux (longuement exposé au chapitre III).
Il est bien sûr présent sur l’inventaire effectué cette année-là par maître Gironne, sur commission des autorités départementales, inventaire repris deux ans plus tard par la municipalité Chauvet qui, rappelons-nous, ne le met guère en valeur : « Plus un moulin à huile et un bâtiment dépendant lequel moulin qui ne peut aller que momentanément et par le moyen d’un réservoir d’eau est très mal disposé pour la fabrication des huiles et est sujet à des inconvénients qui doivent nécessairement en diminuer le rapport… »*1
Il figure sur celui de l’administration du canton de Latour de France en date du 11 pluviôse an IV (31 janvier 1796) dans lequel il est estimé à 1 800 livres*2. Le deuxième inventaire de maître Gironne en 1796*3 confirme cette estimation mais surtout fait une description impartiale de l’immeuble : « C’est un moulin à huile formant deux corps de bâtisse dont l’un n’a qu’une seule meule que l’on fait tourner avec un cheval dans le besoin et l’autre ayant une meule qui tourne au moyen de l’eau qu’on rassemble dans deux bassins, où se trouvent également la cuchère, l’amestre, le rouet, la chaudière et la lanterne, le tout en assez bon état4. »
L’année suivante, suite à une pétition de Madame Elisabeth Pétronille de Mauléon-Narbonne, ces mêmes autorités reconnaissent que sa taxe a été portée à 150 francs quoiqu’elle ne puisse être évaluée qu’à 100 francs*3. En 1798, les biens des Mauléon ayant été mis sous séquestre, Charles Chauvet se voit attribuer le fermage des domaines mais la situation juridique reste bloquée jusqu’en 1799, ce que confirme le rapport d’enquête de l’an VII*4. « Nous sommes transportés à un moulin à huile au bas du village ; l’eau provenant d’un ruisseau est ramassée dans un réservoir, ledit moulin appartenant par indivision à la république et aux héritiers de l’émigré Mauléon. » La dernière phrase pose question « N’ayant aucune autre usine à visiter, ni aucun autre cours d’eau… » Résultat, le moulin de la Sale n’a pas été recensé par l’enquêteur, pourtant accompagné des élus municipaux ce qui rend improbable d’envisager un oubli. Peut-être s’est-il focalisé sur les biens de l’émigré ?
C’est en 1800 que le moulin devient la propriété de Charles Chauvet. Il n’y aucun doute à ce sujet. D’une part, lorsqu'il veut construire juste à côté un moulin à farine, Louis Valentin Chauvet précise bien « qu'il a été vendu à son père par Monsieur de Mauléon, ci-devant seigneur*5. »
D’autre part, l’état des biens de Charles Chauvet établi en 1807*6 nous donne de nombreux détails quant à ses équipements : « Dans le moulin même on trouve 74 cabas dont quatre neufs, une chaîne pour le tour contenant 54 anneaux, 10 pièces de bois en noyer pour monter la presse, une palmeille du même bois, deux pièces de bois de chêne, une casse en cuivre avec sa queue pesant 1kg, une natte en cuivre, deux aiguilles en fer de 5 kg chacune, une pièce en bois, une barre pour serrer la presse, deux autres barres . Dans l’appartement qui est accolé et plus élevé se trouvent des pièces en bois de noyer, deux brouettes (une bonne l’autre délabrée), deux solivaires de bois de peuplier, 11 coupons de bois, un collier de cheval avec son croc pour tourner la meule, plus et finalement une meule de 75 cm de face, plus une échaille(sic) portative de 3m en bois de sapin. »
Au-delà de cette liste comportant quelques éléments techniques inconnus, il est intéressant de noter d’abord que personne n’habite dans l’appartement, il n’y a donc pas de fermier ou d’ouvrier sur place, ensuite que la nécessité de faire tourner la meule avec un cheval, comme pour le moulin de la Sale est bien la preuve du manque récurrent d’eau.
*1 ADPO 1 QP 640
*2 ADPO 1QP 434
*3 ADPO 1 QP 640
*4 ADPO 14 SP2
*5 ADPO 13 SP 24 Moulins
*6 ADPO 3 E 72/15 notaire Canavy Latour de France
XII.6 Fermier ou simple revendeur ?
Il est logique de penser que les Chauvet ne fabriquaient pas eux-mêmes leur huile. Sans pouvoir affirmer qu’ils avaient mis à ferme le fonctionnement de leur moulin, on peut quand même dire qu’ils avaient au moins des revendeurs pour sa commercialisation. Les registres paroissiaux nous apportent sur ce point quelques indices.
Plusieurs membres d’une famille carmagnole, les Rolland, sont désignés par le curé Montferrand comme "négociant ou traficant", mais aussi "marchand d'huile", ce qui éclaire notre lanterne.
Il n'emploie jamais meunier qu'il réserve à celui qui fait fonctionner le moulin farinier et utilise le terme marchand pour d'autres négoces.
L’huile du moulin de la Sale étant commercialisée par le fermier Busquet, puis par le nouveau propriétaire Jacques Roger lui-même, le négoce des Rolland ne peut se faire qu’avec le moulin du Prat del four. Qui étaient-ils ?
Ils sont originaires de Caramany depuis plusieurs générations. Celui qui s'est lancé dans ce commerce se prénomme François. Lorsque sa fille Françoise décède le 24 août 1789, le curé Montferrand ajoute à côté de François, "marchand d'huile". Pour le prêtre, arrivé quatre ans auparavant, c'était donc le métier qui caractérisait le père de la défunte. Par contre, dans les actes des curés Cuguillère qui ont précédé ceux de Montferrand, cette profession n'apparaît jamais lors des baptêmes ou décès de ses enfants. En 1789, François Rolland fait déjà travailler son fils Jean et son gendre Sébastien, fils de meunier également, de la dynastie des Fourcade, qui a épousé Cécile Rolland le 29 mai 1770.
Jean est d'abord qualifié de "traficant" dès le 26 mars 1786 par le curé Montferrand qui en 1788, 1789 et 1791 préfère le terme de "marchand d'huile". Mais, en tant qu'officier public, il lui donnera à nouveau le titre de "trafiquant" (notez le changement d'orthographe) qui semble le plus usité dans ces premières années de l'état civil ; l'acte est daté du 5 février 1793, lors de la naissance de sa fille Marie Cécille (sic). Par contre, Joseph Grand, secrétaire de la municipalité qui rédige lui, l'acte de naissance de sa fille Françoise, le 17 pluviôse de l'an III, (5 février 1795) le désigne en tant que "commerçant". On le retrouve "traficant d'huile" en 1814 et 1816 mais aussi "revendeur" au mariage de son fils Pierre en 1821 et enfin "ancien marchand d'huile" sur son acte de décès le 15 janvier 1829. Il avait 76 ans.
Sébastien Fourcade est qualifié soit de "brassier", soit de "traficant", c'est le cas en 1786, comme pour Jean Rolland. A l'ouverture des registres d'état civil en 1793, an second de la République, il est toujours cité, comme témoin dans tous les actes de décès par le citoyen Montferrand, avec la profession de "trafiquant". Cela est dû au fait qu'il savait signer de son nom entier.
Un petit mystère existe à son sujet. En janvier 1794, sa profession de ‶trafiquant″ est remplacée par celle de "meunier". Et comme ce terme est répété dans tous les actes jusqu'au 1er septembre, il ne peut s'agir d'une erreur. Le curé Montferrand a-t-il dérogé à ses habitudes quant à l’emploi de ce terme ? Ou Sébastien Fourcade a-t-il travaillé au moulin farinier, tenu en principe cette année-là par Antoine Rainaud ? Et dans ce cas-là, était-il ouvrier meunier ou a-t-il effectué un intérim ? Il avait quand même 50 ans, c'est tard à cette époque pour une reconversion. Malheureusement, la révocation de Montferrand en tant qu'officier public, suivie de son emprisonnement nous prive de savoir combien de temps il s'est acquitté de cette tâche.
XII.7 Que deviennent ces moulins après la période de l’Empire ?
La famille Roger ne porte plus le titre de ″traficant‶ après 1806 alors que la famille Rolland le conserve jusqu’en 1821. Un "revendeur" est encore signalé en 1825, il s'agit de Louis Alexandre Vaysse, fils de Cyr, évoqué à plusieurs reprises.
Au décès de Charles Chauvet en 1807, Louis Valentin a hérité du moulin du Prat del four et de la partie indivise du moulin de la Sale. Il les gardera au moins jusqu’en 1816, mais alors que l’exploitation du moulin de la Sale prendra fin dans les années 1830, celle du moulin du Prat del Four se poursuivra.
En juin et juillet 1848, lorsque Louis Valentin et Edmond Chauvet vendent leurs terres par lots, le moulin à huile est compris dans le douzième lot. Voici ce que l’on peut lire dans "les Annonces judiciaires et avis divers" du Journal des PO, en date du 6 mars 1849. « 12° Au sieur Jean Antoine Pons propriétaire et aux susdits mariés Hippolyte Tressere et Anne Roger domiciliés à Caramany un moulin à huile, une pâture de quatre-vingt-quinze centiares, toutes les dépendances dudit moulin à huile et une grande pièce de terre en nature de champ et d'olivette, le tout situé au territoire de Caramany pour le prix total de 12 000 francs. »
L’acte de vente déposé chez maître Cussol à Latour*1 est un peu plus explicite : en fait les mariés Hippolyte Tressere et Anne Roger, n’achètent que les parcelles 548, 549 et 559, champ et olivette, qui se trouvent séparées du restant. Le moulin implanté sur la parcelle 406 revient bien à Jean Antoine Pons pour la somme de 8 700 francs. Comme à chaque fois dans les actes des Chauvet, les moindres détails sont étudiés. En voici quelques exemples. Si une ancienne meule, placée en dehors du moulin est comprise dans la vente, le vendeur en récupérera une autre (donc à l’intérieur), plus une roue vulgairement appelée lanterne, plus le couteau… « Il est expliqué que le petit moulin à farine appelé la moulinette, qui a été bâti depuis quelques années immédiatement à côté du susdit moulin est exclu de la présente vente, (il s’agit de la parcelle 407). Le béal qui sert aux deux moulins sont et demeureront communs entre ledit Sieur Pons et le Sieur Chauvet. » La phrase n’étant pas correcte le notaire a écrit le béal, tout en pensant écrire les réservoirs. C’est aussi sous sa plume que le toponyme Prat del four est délaissé au profit de Prat Gran un quartier qui comprenait déjà les terres au-dessus du chemin du moulin et qui donc désormais va s’étendre jusqu’au lit de la Bécède.
Cette situation n’est que transitoire puisque l’année suivante, le Sieur Chauvet en question vendra son moulin à farine à son frère Jean.
Notre moulin à huile n’en avait pas pour autant fini avec les changements de propriétaires, et comme pour compliquer les recherches, il allait être revendu par moitié.
Le 18 janvier 1854*2, les époux Jean Antoine Pons et Elisabeth Montferrand vendent la moitié indivise à Michel Sabineu « la quotité des biens dépendait de l’actif de la communauté légale en vertu de l’acquisition que ledit Sieur Pons en avait fait, ainsi que de l’autre moitié de ce bien qui est formellement réservé pour eux de 1° Louis Valentin Chauvet, percepteur des contributions directes à Millas, 2° de Edmond Chauvet, ci-devant propriétaire et militaire. Les parties expliquent que le Sieur Sabineu aura tant sur le béal que sur les bassins que sur les trois grands ormeaux existant encore aujourd’hui, la moitié du droit que les vendeurs pourraient y prétendre » On apprend aussi que la prise de possession se fera le 1er juillet prochain et que le moulin doit rester en état pour le commencement de la campagne en décembre. Le prix de vente a été fixé à 2 800 francs, on est bien en dessous de la moitié de la valeur d’achat (8 700 francs), 6 ans auparavant. Est-ce un nouveau signe, après l’abandon du moulin de la Sale que la production oléicole est en déclin sur le territoire carmagnol ?
En 1855, après le décès de Jean Antoine Pons, le moulin est donc propriété d’Elisabeth Montferrand et de Michel Sabineu, dont nous avons fait la connaissance dans les chapitres concernant les moulins à farine*3. Pas pour longtemps.
Trouvant peut-être plus intéressant d’exploiter un moulin à farine, Michel Sabineu réalise par acte du 1er février 1856*4 un échange avec Jean Chauvet qui le met en possession des moulins du Jounquié et du Prat Gran contre « la moitié indivise du moulin à huile et d'une pâture de 93 ca, les dépendances mobilières et immobilières dudit moulin à huile, tous les droits qu'il pouvait exercer sur le Béal et les bassins servant à l’exploitation du dit moulin à huile et sur trois ormes existant sur le bord occidental du plus bas desdits bassins (c'est précis), moyennant une soulte de 11 000 francs. »
Cette énième transaction laisse donc le moulin en indivision à Elisabeth Montferrand et à Jean Chauvet. Je n’ai trouvé ni pour l’un ni pour l’autre dans les divers documents consultés, la qualification de trafiquant ou de marchand d’huile. Mais la production d’huile ne s’est pas arrêtée pour autant. En effet, dans les dernières années du siècle, Marguerite Chauvet qui est revenu habiter Caramany après la mort de son mari, a repris la production et la vente du précieux liquide. En 1886, l'épicier Antoine Molins a noté sur son cahier : « 22 octobre, achat à Madame Chauvet de 3 Doures d'huile 20 (francs) » ; en 1890, Caramany figure en quelques lignes dans Le Dictionnaire géographique et administratif de la France et des colonies avec sa population, 507 habitants, une seule production "Huilerie" et pour le patrimoine "ancien château" ; enfin, en 1894, le Didot-Bottin cite comme "fabricant d'huile" Marguerite Chauvet, née Peix, propriétaire à Caramany. Son neveu Joseph Gau, vétérinaire, témoin à son décès en date du 31 janvier 1897, héritera ou prendra en main ses biens puisqu’il apparaît lui-aussi comme "marchand d'huile" dans la même publication en 1901.
Cette activité économique n'ayant pas laissé de traces dans la mémoire des Carmagnols, elle a dû s'arrêter au tout début du XXe siècle. Il en reste très peu de vestiges. Quelques murs du moulinsont encore visibles, juste à côté du moulin à farine que Louis Valentin Chauvet a fait construire (voir chapitre VI), « Au-dessus de la salle des rouets, dans la pièce qui devait abriter les meules, on ne retrouve rien de l'équipement d'origine. » *5
*1 ADPO 3E 42/193 notaire Cussol Latour de France
*2 ADPO 3E 42/204 notaire Cussol Latour de France
*3 Chapitre VII.3 Après le procès de 1850
*4 ADPO 3E 42/208 notaire Cussol Latour de France
*5 Moulins et meuniers en Fenouillèdes - page 46
XII.8 : Il a failli y avoir un moulin à huile de plus.
Après le projet avorté de Louis Valentin Chauvet en 1816, le ruisseau de las Gourgues a de nouveau été instrumentalisé dans la lutte acharnée qu’il livrait à Benoît Grand. L’affaire se passe en 1833. Le 14 juillet, alors même que l’enquête publique relative au projet de moulin à farine à la Rouïre par l’aîné des Chauvet est en cours, Benoît Grand signe, le 14 juillet, l’acte d’achat de deux parcelles de terre à Jean Bedos Marquet, propriétaire*. Lorsque l’on rentre dans les détails de la vente, il est difficile de ne pas y voir une réaction aux agressions qu’il subit. La deuxième parcelle est une étendue de terrain d’un mètre de large à prendre sur un champ que le Sieur Bédos possède au quartier du Pla confrontant la rivière et le ruisseau du Touron. Vu sa position, ce terrain sera certainement concerné par la réalisation du canal d’amenée du futur moulin. Quant à la première, il s’agit d’un terrain de 16 m sur 18 m qui touche au ruisseau de las Gourgues. « Dans la présente vente est encore comprise la faculté de faire passer sur le rentrant… l’eau du dit ruisseau de las Gourgues nécessaire pour alimenter un moulin à huile que le sieur acquéreur se propose de construire… sans que cette concession soit un obstacle à ce que le Sieur Bédos se serve le premier de l’eau susdite pour l’usage d’une distillerie pour eau de vie qu’il se propose d’établir dans une bâtisse qu’il a déjà fait sur la même propriété. L’intention de l’acquéreur est donc clairement annoncée. Pensait-il aller jusqu’au bout ou brandissait-il simplement une menace ? En tout cas, ce moulin non plus n’a pas été construit, peut-être tout simplement parce que le débit du ruisseau ne le permettait pas. Mais la menace, elle, était réelle car lorsque Benoît Grand décide en 1842 de céder le moulin du Jounquié, Louis Valentin Chauvet n’oubliera pas de faire figurer dans la vente les deux terrains cités ci-dessus, afin d’enlever toute possibilité de nuisance à son opposant.
*ADPO 3E 42 /165
XIII. Le moulin à vent
Du moulin à vent, nous connaissons fort peu de choses. Il semble absent des archives municipales et départementales. Peut-être parce que son existence a été éphémère ?
Il ne figure pas sur la carte de Cassini, établie comme nous l'avons vu à la fin du XVIIIe siècle et j'ai du mal à croire qu'il pourrait s'agir d'un oubli. Dans la méthodologie de l'élaboration de ces cartes, il est indiqué que les géographes ont visité tous les lieux habités, rencontré les personnes susceptibles de leur fournir des renseignements, seigneurs, curés, notables... Et le travail semble avoir été bien fait puisque figurent sur le secteur de Caramaing, le moulin banal, les deux petits moulins à huile, le hameau de l'Horto, jusqu'à la passerelle sur l'Agly et des granges. Dans ces conditions comment oublier le moulin à vent bien campé au sud du village et qui plus est, juste en face du château ?
Il est par contre bien présent sur le cadastre napoléonien publié en 1834, mais dessiné quelques années avant, et sa mention ne prête pas à discussion : « vieux moulin à vent » sur la page de la section cadastrale et « moulin ruiné » sur la page récapitulative.
Pas encore construit vers 1790, déjà abandonné vers 1830, il ne semble pas avoir été d’une grande utilité.
Qui peut en être à l'origine ? J'ai bien une idée mais, elle ne repose sur aucune source et restera donc au stade de la pure hypothèse.
On peut lire page 216 du livre Moulins et meuniers en Fenouillèdes que « la construction et le fonctionnement d'un moulin et de son canal d'amenée mobilisaient un capital important, une puissance financière dont seule une famille noble ou bourgeoise pouvait disposer à cette époque. »
Cette remarque concerne certes les moulins à eau, mais on doit pouvoir la transposer aux moulins à vent. Or, qui à Caramaing, dans les années qui ont suivi la Révolution possédaient une puissance financière sinon les Chauvet ? Charles Chauvet, décédé en 1807, ne possédait pas de moulin à vent. Par contre, son principal héritier, Louis Valentin fait preuve d'une certaine frénésie pour dominer les activités de meunerie sur le village. Il conçoit d'abord le projet d'un troisième moulin à huile en 1816 puis s'oriente sur la construction d'un premier moulin farinier dans les années 1820 ; celui-ci étant trop petit pour concurrencer valablement l'ancien moulin seigneurial, il demande et obtient, en 1834, l'autorisation de réaliser un deuxième moulin à la Rouïre, actionné lui, par les eaux de l'Agly. N'aurait-il pas tenté également, avant la première construction ou entre les deux, la technique de l'énergie éolienne et, constatant sa non rentabilité, décidé de revenir à la bonne technique du moulin à eau ? Ce n'est pas impossible mais cela reste à prouver. En tout cas, la loi le lui permettait, puisque comme conséquence logique de la suppression des droits de banalité, l'Assemblée Constituante avait rédigé un avis daté du 3 mars 1791 précisant que « chaque particulier peut ériger sur son terrain des moulins à vent ».
Abandonné faute d’utilité, ce moulin a dû se dégrader très vite. Les parties en bois ont disparu, peut être réutilisées car même les Carmagnols les plus anciens que j'ai pu interroger n'ont connu que la base fixe qui a la forme d'une petite tour de quatre mètres de diamètre et de cinq mètres de hauteur environ. Peu à peu, le toit s'est effondré et la bâtisse devenait dangereuse car elle restait fréquentée par les jeunes et les enfants. En ma qualité d'adjoint au maire, j'ai proposé en 1992 au Conseil municipal de faire rentrer le moulin dans le patrimoine communal, car il était bâti sur un terrain privé, puis de procéder à une campagne de restauration. Le maire Edgar Ubert ayant donné son accord, les travaux ont été confiés à un groupe de jeunes des chantiers Rempart, association spécialisée dans la restauration de bâtiments ou ouvrages anciens. Accueillis au village du 13 au 26 juillet 1992, ils ont pu en alternant des matinées au chantier et des après-midi culturelles ou de détente, mettre le moulin hors d'eau en assurant le débroussaillage du terrain et la reprise des joints à la base. En triant les pierres tombées au sol ils ont préparé la session suivante, en mai 1994, qui a permis de reconstituer le toit et les ouvertures. Enfin en 1996, la municipalité a fait installer une belle porte mettant totalement le moulin à l’abri des visites non autorisées. La consolidation du talus a aussi été entamée sur le côté et devait se poursuivre le long du chemin communal par un mur en pierres sèches, mais c'est une autre option plus rapide et moins esthétique qui a été choisie.
CONCLUSION
Il faut bien reconnaître que l'histoire des moulins de Caramany sort de l'ordinaire : par leur nombre d'abord, six sur le même territoire, sans compter ceux qui sont restés au stade de projet, par le rôle joué pendant près d'un siècle par la toute puissante famille Chauvet, par la présence enfin dans le village à des périodes différentes de membres des dynasties meunières du Fenouillèdes, les Fourcade, Raspaud, Pons, Fontvieille et Busquet.
Le développement intensif de la vigne sur toutes les parcelles cultivables a rendu les moulins non rentables. Il nous reste quelques vestiges pour nous les rappeler : les bâtiments du moulin à huile du seigneur et du moulin à farine de Louis Valentin Chauvet au Prat Gran et le moulin à vent sur la colline de Montredon. Le moulin à huile de la Dout a disparu de son site et des mémoires ; quant à ceux du Jonquié et de la Rouïre, l'Agly en a eu raison, non par une crue dévastatrice mais en les faisant disparaître dans les eaux de son lac.
Notes :
- Une obligation spéciale est une obligation dont le paiement ne peut être poursuivi que sur certains biens » Littré.
- Le dourg est une unité de mesure de capacité ; celui de Latour équivalait avant la Révolution à 14,399 litres.
- las Gourgues, dans le recensement de 1866, c'est un lieu-dit, comme le Moulin, où est implanté un foyer. Ce nom ne se retrouve pas sur le cadastre actuel. Les héritiers de la famille Bedos Marquet possèdent une propriété appelée la Fabrique dans l’actuel quartier de la Bade. Le Rec de las Gourgues serait donc le ravin qui descend de la Bade et se jette dans le Rec de la Teulière. Les constructions n’existant pas à l’époque, le confluent était peut-être plus près de la fontaine car il ne faut pas oublier que Louis Valentin Chauvet veut utiliser l'eau qui en descend en la rajoutant à celle de la fontaine vieille. Un autre ravin rejoint la fontaine vieille, c’est celui qui vient de Montredon, traverse actuellement la Grand rue au niveau des maisons Delonca et Laporte en face, et aboutit lui aussi au Ruisseau juste à côté de la fontaine. En 1866, l'actuelle RD21 n'existant pas, le quartier qui va de la place de la Mairie vers Bélesta n'était pas construit. Ce qui est troublant, c’est que les Bedos Marquet possédaient aussi une terre à côté de ce ravin, sur laquelle se trouvait déjà un « casot » en 1833. Il deviendra plus tard la maison familiale, mais elle ne s’appelle pas la Fabrique.
- D’après le Littré, la lanterne est une petite roue formée de plusieurs fuseaux dans laquelle égrènent les dents d’une autre roue, et la chaudière est un grand vase en cuivre, en principe pour chauffer des aliments, mais dans un moulin, je suppose pour récupérer l’huile. Le Littré ne connaît pas les termes de cuchère et amestre mais en ancien français amestrer signifiait garnir, ensemencer, on peut donc penser à un récipient pour vider les olives.
sources écrites :
*Archives municipales :
- Registres des délibérations
- Recherche générale du lieu de Caramaing faite en 1594
- cadastre napoléonien – 1834
*Archives départementales des PO
- séries E Minutes notariales, O administration communale, L administration et tribunaux révolutionnaires,
* Archives personnelles
Ouvrages :
Moulins et meuniers du Fenouillèdes : JP.Comps, J.Comes, M.Delonca, M.Formenti - Editions du Trabucaïre – 2021
D'Ille et d'ailleurs – Caramany : J.Tosti, collège d'Ille sur Têt – 1986
Archéologie d'une montagne brûlée : O.Passarius, A. Catafau, M.Martzluff – Ed.Trabucaïre – 2009
Fenouillèdes diocèse d'Alet : A. Bayrou 1980
Les moulins à vent des Pyrénées orientales : Francis Noell - TDO Editions - 2012
Retrouver ses ancêtres meuniers et leurs moulins : Myriam Provence – Archives et culture – 2021
sources orales :
Entretiens avec les anciens, en particulier René Grieu, Francis Caillens, Antoine Salles (ancien propriétaire du moulin à vent qui en a fait don à la commune).
Conférence des auteurs du livre Moulins et meuniers du Fenouillèdes, J. Comes et M. Formenti organisée le 18 septembre 2021 à Ansignan par l'association Ansigna'muse.
Rencontre avec JP Comps lors de la journée organisée par la SASL et le château-musée de Bélesta le 05 novembre 2022.
sources numériques :
https://www.ledepartement66.fr/lesarchivesenligne/ Archives départementales des PO
- registres paroissiaux et d'état-civil de Caramany
- registres des états nominatifs des habitants de Caramany (recensements)
- registres paroissiaux et d'état-civil de Ansignan, Cassagnes, Lesquerde, Latour de France, Rabouillet, Rasiguères, Sournia, Le Vivier, Ille sur Têt
https://archivesdepartementales.aude.fr/les-archives-en-ligne/
- registres paroissiaux et d'état-civil d'Auriac, Bugarach, Laroque de Fa
https://www.caramany-paridulac.fr/ le Pari du lac, de nombreux articles des rubriques Histoire et anecdotes, issus de recherches précédentes.
https://www.retronews.fr/ la Gazette nationale
https://www.geoportail.gouv.fr/ Caramaing – carte de Cassini et vues aériennes 1960
https://www.geneanet.org/ communauté de plus de 4 millions de membres qui échangent des informations généalogiques
https://fr.wikipedia.org/ encyclopédie numérique consultée sur la période révolutionnaire : municipalités, agent national
https://locongres.org/fr/ Dictionnaire occitan, Dico d'Oc lo Congrès
https://www.lexilogos.com/ Littré et DVLF : dictionnaire vivant de la langue française
Photos :
miniature et 4 : Le moulin à vent (avant travaux de restauration) sur la colline de Montredon. Cliché B.Caillens
1: Dessin à la main pour illustrer le règlement de l'arrosage, canal de la Sale et de l'Horto. ADPO 14 SP 303
2: Une meule de moulin à huile Extrait de Archéologie d'une montagne brûlée.
3: Journal des PO du 6 mars 1849
J'adresse mes remerciements pour leur aide à Martine et Philippe Garcelon ainsi qu'à Philippe Foussat, tous trois adhérents fondateurs du Pari du lac. Martine pour la liste précieuse des meuniers établie à partir des registres paroissiaux, Philippe G pour son aide, sur le terrain comme sur Géoportail, à la recherche des moulins et Philippe F pour m'avoir accompagné à la découverte du mas et du moulin du Régatieu ainsi que du Castellas à Rasiguères.
- Suivant : Les moulins de Caramaing-6