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Les moulins de Caramaing-6
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- Publié le: 07/11/2024
- Auteur: Bernard Caillens
VIII. Vers l’arrêt total
VIII.1 Le moulin de la Rouïre rend les armes le premier.
Nous avons constaté dans les chapitres précédents qu’en 1850, la situation de la meunerie à Caramany n’est guère brillante. Les deux moulins à deux meules sont à l’arrêt et le propriétaire Jean Chauvet publie des annonces dans la presse pour se défaire de ses usines. Or il ne trouve pas d’acheteur, signe d’un déclin dû à la diminution inéluctable de la production céréalière. Il nomme alors des fermiers qui ne terminent pas leur bail, tant leur situation doit être peu avantageuse.
Qu’advient-il du moulin de la Rouïre après l’échange effectué en 1856 avec Michel Sabineu, Il est mentionné dans l’acte d’échange à trois reprises : la première pour préciser que Jean Chauvet se le réserve, la deuxième pour dire qu’il ne pourra « faire jamais plus fonctionner comme moulin à farine l’usine par lui réservée au susdit lieu des Bacs ou de la Rouyre, ou établir aucun moulin à farine, canal ou digue sur le territoire de Caramany » ; la troisième enfin prévoit que si « Monsieur Jean Chauvet voulait établir dans la susdite bâtisse une usine autre qu’un moulin à farine, il aurait droit de faire passer l’eau dans le canal d’amenée. »
Et nous avons là l’explication du fait que le moulin de la Rouïre ne fasse pas partie de l’échange. Jean Chauvet n’aurait pas fait inscrire cette clause s’il n’avait pas une idée en tête. Nous en avons confirmation quatre ans plus tard, lorsqu’il vend le lieu de la Rouïre à sa belle-sœur Marguerite Chauvet, née Peix, veuve de Louis Valentin*2. L’acte de vente nous apprend que par « traité verbal », Jean Chauvet avait autorisé le sieur Alphonse Salvat de Saint Paul, à établir dans les lieux une fabrique de tabatières, oui vous avez bien lu des tabatières à Caramany. Si cet artisan avait simplement besoin d’un local, il ne l’aurait pas cherché si loin de chez lui, il avait sûrement besoin de la force motrice de l’eau pour faire tourner quelques petites machines utiles à la fabrication de ses tabatières. L’acquéreuse devra attendre son départ le premier juillet suivant pour prendre possession de la bâtisse.
Quoi qu’il en soit, l’histoire du moulin de la Rouïre en tant que moulin à farine a pris fin au départ du dernier occupant du logement, Jacques Barthès en 1854, elle n’aura duré qu’une vingtaine d’années. On comprend bien qu’après le conflit juridique perdu avec Antoine Authier, Jean Chauvet n’a jamais eu l’intention d’investir dans de grandes réparations, d’autant plus qu’il voulait mettre le moulin en vente La situation a dû continuer à se dégrader jusqu’à un point de non-retour. De toute façon, il n’y avait pas de place dans la commune pour deux gros moulins à deux meules.
*1 ADPO 3 E42/208 notaire Cussol à Latour de France
*2 ADPO 3 E42/216 notaire Cussol à Latour de France
VIII.2 Le moulin du Jounquié résiste encore.
Dans les années qui suivent son mariage, Pierre Clément est le seul meunier de la commune. Comme il réside au Jounquié, on peut penser que c‘est dans ce moulin qu’il travaille et que des réparations ont donc été faites. Il semble même qu’il y ait encore une production de céréales conséquente, car il va être secondé par un ouvrier. En effet, un deuxième meunier fait son apparition sur les registres. Il s'agit de Charles Rougé qui en septembre 1861 est témoin d'un mariage, puis déclare un enfant le 25 octobre 1862 et signe à nouveau un acte de mariage en 1863. Il ne seconde peut-être pas Pierre Clément à temps plein car il est qualifié de « cultivateur et meunier à farine », ce qui sous-entend qu'il fait aussi un peu d'agriculture. En ce qui concerne son lieu d'habitation Auguste Azaïs, cette fois-ci ne nous aide guère. Charles Rougé habiterait « au lieu dit le moulin », dénomination si nous restons logiques, attribuée au premier moulin seigneurial. Or, si l'on se réfère aux recensements de 1856 et 1866 c'est Pierre Clément qui y réside. La question de ce logement reste posée une fois de plus.
Après le départ de Charles Rougé, c'est Jean Sabineu, fils du premier mari d'Anne Saly, épouse Clément, qui est embauché comme garçon meunier. Il est mentionné en tant que tel, dans le recensement de 1866 dans lequel on peut lire qu'il habite au moulin avec sa mère et son beau-père. On le retrouve en 1872 sur le Didot-Bottin, tout comme un autre meunier Antoine Pons.
Et revoilà la famille Pons ! Car Antoine (ou Jean Antoine sur son acte de naissance) est le fils d'Antoine, décédé en 1841 et donc le petit-fils de Jean Antoine décédé en 1855. Parti se marier au Vivier, sa femme se nomme Marie Barrière, il est revenu à Caramany avant 1866, année dont le recensement indique qu'il habite avec sa femme et deux enfants Henri et Claudine au quartier du château, profession journalier. Il reprend le métier de ses ancêtres et en 1870, un acte de maître Cussol notaire à Latour de France, atteste qu'il prend en fermage le moulin du Régatieu, tout en étant qualifié de meunier à Caramany*2. Il doit donc être ouvrier meunier de Pierre Clément qui a d'ailleurs diversifié son activité en achetant des terres. Tout cela montre bien que les communes du secteur arrivent de moins en moins à faire vivre un meunier à temps plein, résultat de la baisse de volume des céréales cultivées. Au final en 1876, il est le seul meunier sur la place. Pierre Clément est devenu cultivateur, suivant l'exemple de ses prédécesseurs restés au village et Jean Sabineu qui s'est marié, est devenu propriétaire. Tous habitent au quartier du château, tout comme Antoine Pons qui y a maintenu son domicile. Il n'y a plus de lieu-dit "le moulin" en tant qu'habitation.
*1ADPO 3 E 42/216 acte du 21 mai 1860 du notaire Cussol
*2 ADPO 3 E 42/235 notaire Cussol Latour de France
VIII.3 Derniers propriétaires, derniers meuniers
Antoine Pons ne sera pas le dernier meunier. Le 9 avril 1872, la Carmagnole Marie Delonca Peyre épouse Joseph Bertand né à Saint Féliu d'aval. Signe de la fin d'une époque, il n'est pas fils de meunier et même pas du tout meunier le jour de son mariage. En 1875 et 1877, il est marchand colporteur mais en 1876 journalier, autant dire qu'il vivait de "petits boulots". Le couple est alors domicilié au quartier de l'église. C'est entre 1877 et 1882, peut-être après avoir été un temps ouvrier meunier d'Antoine Pons,fils, qu'il est entré dans le métier. Deux documents l'attestent : la naissance de sa fille Virginie le 1er avril 1882 et un acte signé de sa main le 12 décembre 1882 qui fait suite à un premier conflit entre propriétaires du moulin et syndicat d'arrosage. Nous allons en reparler plus loin.
Au recensement de 1891 Joseph Bertrand est toujours là et est assisté d'un garçon meunier en la personne de son fils Jean, âgé de 18 ans. Mais un autre événement climatique surviendra à l'automne et il contribuera à mettre fin à sa carrière.
Côté propriétaires, Michel Sabineu aura des successeurs, mais en y regardant de plus près, on s'aperçoit que les moulins restent dans le giron de sa famille. En 1876, ils sont propriété indivise de Michel appelé aussi Jean, Delonca, Pierre Estève et Étienne Forner (encore un patronyme inconnu). Or les précieux registres d'état-civil font état de trois mariages : le premier de Virginie Sabineu avec Pierre Estèbe le 14 avril 1853, le second de Marie Catherine Sabineu avec Étienne Xavier Forner, originaire d'Estagel, le 30 janvier 1861, et le troisième de Marie-Sophie Sabineu avec Michel Delonca Bragardet le 27 août 1867. A chaque fois un contrat de mariage a été signé chez maître Cussol à Latour. La conclusion est simple à tirer : Michel Sabineu a fait donation de ses moulins à ses filles
Un peu plus tard, des arrangements ont dû se produire au sein de la famille, les uns rachetant des parts aux autres. En 1882, le couple Forner qui réside à Estagel ne fait plus partie des propriétaires, en tout cas il n'est pas cité dans le conflit qui va les opposer au syndicat d'arrosage.
Faisons un petit retour en arrière. L'automne 1881 a dû être, une fois de plus, très pluvieux au point d'abîmer la chaussée du moulin. En conséquence, le syndicat d'arrosage demande aux propriétaires de la rétablir. Il s'appuie pour cela sur l'acte du 6 février 1819, conclu entre le propriétaire Pierre Grand d'Ansignan, et le syndicat créé à cet effet, qui stipule que « si par suite de crues d'eau ladite chaussée venait à être dégradée lesdits sieur Grand et sociétaires seront tenus de la réparer à compte et demi tout autant seulement que la dite réparation n'excédera pas en tout la somme de huit cents francs et que toute autre réparation excédant cette somme même la reconstruction entière de la dite chaussée pour quelque événement qu'elles soient nécessitées demeureront toujours à la charge du sieur Grand. » Cette clause s’est transmise lors des ventes successives du moulin.
La demande essuie un refus puisque le 15 janvier 1882 se tient une assemblée générale qui délègue les sieurs Joseph Barilles et Jean Roch Caillens pour exiger la reconstruction de la chaussée. La suite est assez confuse par manque de documents Le 24 mars, François Delonca, c'est ainsi que l'on appelait couramment Michel, signe une déclaration aux délégués disant qu'il est d'accord pour donner main forte et payer sa part mais qu'il y a un deuxième propriétaire.
Bizarrement, la convocation devant le juge de paix du canton de Latour le concerne ainsi que son épouse Sophie Sabineu et Joseph Bertrand « propriétaire et meunier » Où est passé le couple Estèbe et comment Joseph Bertrand est-il à présent propriétaire ?
La comparution a lieu le 25 mars ; Climens Aimé, directeur, Caillens Roch, Procope Jean en tant que syndics maintiennent leur demande. Les propriétaires répondent que les travaux ne pourront être faits qu'en août ou septembre, ce qui entraîne un refus des représentants syndicaux qui « ne pourraient arroser quand les propriétés en ont le plus besoin. » Les deux parties n'ayant pu être conciliées, elles sont renvoyées vers le tribunal.
VIII.4 D'un procès à l'autre
Quelque temps après ce premier épisode juridique, François Delonca partage la propriété avec son neveu, Nicolas Dabat. C'est le gendre de Pierre Estèbe et Virginie Sabineu, par son mariage avec Julie Françoise Estèbe, le 28 avril 1880. La troisième génération entre en scène et va très vite être confronté à des difficultés. Après l’épisode juridique de 1882, les infrastructures du moulin ont dû bénéficier de quelques réparations puisqu’il semble avoir repris du service jusqu’en 1891. Cette année-là, le territoire doit faire face à ce que l'on appelle maintenant des épisodes méditerranéens1. Au village, les installations de la fontaine de la place et de celle du pont (la font d'en Romeu) sont abîmées etl'Agly subira une nouvelle crue qui détruira encore la chaussée du canal du moulin. Ce sera le départ d'un nouveau conflit.
Comme en 1882, le syndicat d'arrosage tente de faire valoir les droits que lui confère le fameux acte de 1819. Une fois de plus, les propriétaires refusent et durant l'année qui suit la crue, rien n'est réglé.
Le 18 mars 1893, le directeur syndic convoque une assemblée générale des tenanciers arrosants sur la nécessité de faire un procès aux propriétaires du moulin. La réunion qui se tient salle de la mairie a dû être houleuse, car un procès-verbal signé du directeur Jean Baptiste Estève et des syndics, Solatges, Caillens, constate que « Monsieur Dabat, copropriétaire du moulin et canal et Maire de Caramany a empêché les syndics de recueillir les voix des tenanciers. »
Qu'à cela ne tienne, ceux-ci ont fait du porte à porte puisqu'ils disposent, le 26 mars d'une pétition reprenant les termes de l'assemblée générale et comportant 28 signatures. Il faut noter que la situation devait être inconfortable pour Jean Roch Caillens, syndic mais aussi conseiller municipal de Nicolas Dabat.
L'audience publique du tribunal civil de première instance se tient le 6 mai. Le juge réserve sa décision et les parties étant au moins consentantes sur ce point, désigne un expert. Le sieur Carbasse, sous-ingénieur des Ponts et chaussées, aura pour mandat d'évaluer s'il n'est pas nécessaire de refaire totalement la chaussée, d'indiquer le montant des réparations, de vérifier si les propriétaires, comme ils le disent, subissent un préjudice du fait des modifications apportées à l'ancien arrosage, de « concilier les parties si faire se peut ».
Et effectivement l'expert aboutira à une conciliation, économisant ainsi un jugement au tribunal. Le 11 juillet, Jean Baptiste Estève signe un accord avec 1°) Euphrasie Estève, épouse du sieur Nicolas Dabat, propriétaire, 2°) ce dernier tant pour l'intérêt pouvant le concerner que pour l'autorisation maritale de la validité de la procédure, 3°) la dame Sophie Sabineu épouse du sieur François Delonca propriétaire, 4°) ce dernier tant pour l'intérêt pouvant le concerner que pour l'autorisation maritale de la validité de la procédure. C'est un coup de théâtre déterminant pour notre histoire. Les dames Sabineu et Estève abandonnent à l'association syndicale les droits qu'elles possèdent sur la chaussée et le canal, jusqu'à la vanne de prise d'eau du canal, ainsi que le droit à la meule d'eau qui leur avait été reconnu par l’acte du 6 février 1819. En conséquence c'est l'association syndicale qui prendra en charge les travaux d’entretien, de grosses réparations ou de réfection du barrage ainsi que les frais de curage du canal jusqu’à la vanne.
Autrement dit, le canal ne servira qu'à l'arrosage et le moulin ne fonctionnera plus. On peut en déduire que le montant de travaux présenté par l'expert devait être très élevé par rapport à l'intérêt de maintenir le moulin en activité, sachant que la production de céréales était en baisse constante.
La crue de 1891 a donc hâté l'arrêt définitif de l'ancien moulin seigneurial, tout comme celle de 1850 avait peu à peu conduit à la fermeture de celui de la Rouïre.
VIII.5 La vigne remplace les céréales et cause la disparition des moulins
Comme nous l'avons vu, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la vigne gagne du terrain, d'abord sur les collines puis peu à peu sur les champs au détriment des céréales. Déjà insuffisante au moment où la population était à son apogée pour faire fonctionner trois moulins, la production de grains en diminution constante ne pouvait qu'entraîner leur fermeture. Le moulin du Prat Gran, à l'abri des crues de l'Agly, a dû, à partir de l'automne 1891 assurer seul le traitement des grains récoltés, mais sa roue s'arrêtera bientôt car après 1894, les moulins n'apparaissent plus sur la matrice cadastrale*.
A ce stade de l’étude, il convient de faire un petit résumé de la situation. Trois moulins fariniers ont bien été implantés sur la commune mais avec des parcours bien différents. Celui qui a le plus marqué l’histoire du village est le moulin du Jounquié, moulin banal jusqu’à la Révolution, puis enjeu de deux familles d’hommes d’affaires les Chauvet et les Grand. Il a été utilisé pratiquement pendant plus de deux cent vingt ans jusqu’en 1891. Les deux autres sont nés de la volonté de mettre à terre le premier pour s’en emparer. Le moulin du Prat Gran verra le jour en 1824 mais il ne jouera toujours qu’un rôle d’appoint. Aucun document n’atteste que son logement ait été habité. Son unique meule tournante s’arrêtera en même temps que celles du Jounquié ou juste après. Enfin, le moulin de la Rouïre n’a eu, même s’il a accueilli des familles de meuniers, qu’une existence brève, de 1834 à 1854.
*Moulins et meuniers en Fenouillèdes - page 45
IX. Des petites histoires dans l'histoire du moulin.
En 1809, le moulin farinier est mis sur le devant de la scène politique, à l'occasion d'un épisode dont il se serait bien passé. Le 7 juillet, Jean Bedos, écrit au Préfet pour accuser le maire Cyr Vaysse, officier de santé, de faire travailler un déserteur et d'en cacher un autre au moulin*. Cette année-là, l'Empereur qui, recrutait déjà 80 000 conscrits par an, passe à 110 000, à cause du front qui s'ouvre en Espagne. Les jeunes hommes tentent d'éviter la conscription et certains ne répondent pas à la convocation de l'armée lorsqu'ils sont tirés au sort. C'est le cas à Caramany comme partout. Un maire censé faire appliquer la Loi protégeant des déserteurs, l'occasion était trop belle pour Jean Bedos qui avait un petit compte à régler avec le premier magistrat. Son père François Bedos, premier maire du village puis procureur, avait eu en 1803 une violente altercation avec Cyr Vaysse à propos d'une terre affermée à des propriétaires de Bélesta dans le bois de Balderbe, ce qui lui avait valu d'être révoqué en tant que conseiller municipal par le Préfet. C'est donc le fils qui tente à son tour de faire révoquer le Maire. Qui pouvaient être ces déserteurs ?
Il ne donne qu'un nom. Celui qui travaille pour le maire n’est autre que son gendre Antoine Montferrand, marié à Antoinette Vaysse en 1806 et accessoirement neveu du curé. Jeune marié, déjà père de Jeanne Rose, il est soldat en 1808 lors de la naissance de Jeanne Monique, on peut comprendre qu’il n'ait pas eu envie de partir au service militaire. L’affaire est grave car « si les faits qui y sont énoncés viennent à être établis, il n’y aura pas de doute que ce fonctionnaire ne se soit rendu coupable dans l’exercice de ses fonctions ». C’est ainsi que s’exprime le Magistrat de Sureté de l’arrondissement, un certain Carbonnell. Les témoins désignés par Jean Bédos, mais également d’autres citoyens désignés par les enquêteurs reçoivent une assignation pour se présenter au tribunal le 1er août. Parmi eux, il y a les meuniers Germain et Louis Busquet. Germain, 40 ans, originaire de Cubières confirme qu’il y a quatre mois, suite à l’arrivée d’un intrus malade dans son moulin, le maire a décidé de le soigner et d’écrire à son père afin qu’il vienne le chercher. Il donne même son identité, Guillaume Lajoie, chasseur de montagne du département de la Haute Garonne. Louis Busquet, 22 ans à Caramaing depuis trois ans, a vu le déserteur en entrant chez son frère et a vu Antoine Montferrand « se promener et travailler pour le maire ». D’autres témoins sont tout aussi précis, d’autres plus évasifs. Il n’en reste pas moins que les faits sont avérés de même que ceux de corruption. En effet, Cyr Vaysse a aussi proposé à Martin Calvet de soustraire son fils Pierre au recrutement car il avait été appelé au service militaire par tirage au sort, contre une somme de 100 francs qu’il réduisit à 80 francs.
Sur fond de règlement de compte, de dénonciation et de non-respect de la loi de la part d'un édile, l'histoire n'est pas très glorieuse. Que s’est-il passé ensuite ? Cyr Vaysse, n'a été remplacé au poste de maire qu'en 1813. Pour Antoine Montferrand, il est précisé dans la dénonciation qu’il était déserteur de la Garde départementale, ce qui était peut-être moins grave que de l’armée en campagne et qui explique qu’il ne figure pas dans les relevés de matricules des soldats de l’Empire. Apparemment, il n'a pas été inquiété car il est encore papa en 1810 et 1815 et décède à 80 ans le 4 juillet 1864
*ADPO 2 OP 720 Maires et adjoints
X Encore un projet de moulin à farine !
En 1882, le dernier meunier Joseph Bertrand, voulant peut-être prendre son indépendance, signe un document dans lequel il déclare que si les tenanciers arrosant de la rive gauche l'autorisent à construire un moulin à farine, il s'engage à réparer et entretenir la chaussée « en un mot de tenir l'eau au canal » et de ne pas faire fonctionner le moulin quand il y aura arrosage.
Un projet source de conflits futurs et qui est tombé à l'eau. Rendez-vous compte, si tous les projets avaient été suivis d'effet ce n'est pas six mais neuf moulins qu'aurait comptés la commune.
XI. Des meuniers aux boulangers
Faute de farine produite localement, les ménagères, (c'est la profession que l'on attribuait systématiquement aux épouses) qui pétrissaient et cuisaient leur pain, vont peu à peu être obligées de se tourner vers un nouveau venu, le boulanger. Celui-ci verra son installation facilitée par la création entre les villages des chemins de grande communication qui vont permettre de livrer les sacs de farine nécessaires à l'alimentation des habitants. La profession de boulanger est mentionnée dans les registres pour la première fois en 1874, alors que celle de meunier existe toujours. Elle concerne Jean Jules Delonca, né à Caramany en 1848 et déjà boulanger à 20 ans comme l'atteste son registre matricule. Travaillait-il seul ? Où ? Pour qui ? Cela mériterait d'autres recherches.
D'autres confrères prendront la suite. Le recensement de 1891 nous révèle la présence d'un boulanger Joseph Porcar et d'un garçon boulanger Joseph Henrich, fils. Autour de l'an 1900, le métier se développera avec les Deloncle, Thomas et son fils Justin, puis en 1907 Pierre Buriel et Joseph Henrich. C'est avec ce changement total de mode de vie que prend fin l'histoire des moulins fariniers.
Notes:
- On trouve au hasard des délibérations des allusions à des événements climatiques importants ; j'en ai relevé en 1716, 1763, 1777, 1803, 1833, 1842, 1850, 1858, 1869, 1873, 1891, 1892, 1900, 1940, 1965 et la liste ne doit pas être complète. Un article ancien de l'Indépendant (dont je n'ai hélas à l'époque, pas relevé la date) faisait état de crues historiques en 878, 1264, le 14 octobre 1421, le 18 décembre 1421et le 16 octobre 1663.
Sources : Les sources seront données à la fin de l’étude.
Photos:
miniature et 1: Moulin de la Rouïre, la sortie de l'eau vers l'Agly
2 : Recensement 1866, la famille Clément
3 : Le Cortal del Moli, à côté du moulin du Jounquié.
4 : Le procès-verbal des syndics des canaux contre le maire.
5 : L'accord des soeurs Sabineu pour abandonner l'exploitation du moulin.
- Suivant : Les moulins de Caramaing-5