1896: Des prières pour la pluie

Détails

Publié le: 01/11/2011

Auteur: Bernard Caillens

Les recherches de textes concernant notre village et souvent les hasards des lectures nous amènent parfois sur des informations d'ordre météorologique tout aussi intéressantes que le sujet recherché, car elles nous renseignent sur les conditions de vie des générations qui nous ont précédés.

Après l'article du "Gaulois" sur le cyclone de 1911 ¹, la neige de l'hiver 1895 ², ou au contraire l'hiver doux de 1893 ³, nous allons découvrir la sécheresse du printemps 1896.

C'est une lettre-circulaire de Monseigneur l'évêque de Perpignan qui nous l'apprend. Figurez vous, que Monseigneur ordonne, ni plus ni moins,  un Triduum de prières... pour demander la pluie .

L'automne 1895 et l'hiver 1896 ont dû être particulièrement secs pour qu'il écrive de Perpignan, le 27 avril 1896, à ses très chers frères:

« Depuis de longs mois une sécheresse, aussi désastreuse que persistante, dévore les campagnes de notre diocèse et semble devoir, si elle dure encore quelque temps, prendre les proportions d'un véritable fléau. Les parties montagneuses du département, d'après les informations qui nous arrivent de tous côtés, sont aussi éprouvées que les plaines du Roussillon. Les récoltes sont, Nous dit-on, compromises et les vignobles menacés si une pluie bienfaisante ne vient féconder nos campagnes et arrêter un désastre qui serait bientôt irréparable.

Aussi , de nombreux propriétaires, émus à bon droit, par le triste état des récoltes et par les souffrances de l'agriculture, reconnaissant que Dieu seul peut répandre sur nos terres altérées les bienfaisantes ondées du ciel, nous demandent-ils de prescrire des prières publiques pour obtenir les bienfaits de la pluie. Nous les félicitons de s'être souvenus des pratiques chrétiennes de leurs aïeux ⁴ et de n' avoir pas oublié que la prière confiante, faite au nom de Jésus-Christ obtient tout de Dieu.

Nous n'attendions Nous-même que cette démarche pour seconder les voeux des populations agricoles et, Nous empressant d'accéder à leur demande, Nous nous hâtons de prescrire des prières publiques pour faire au Ciel une sainte violence et en obtenir la cessation du fléau.

C'est pourquoi Nous ordonnons qu'un Triduum ⁵de prières soit célébré dans toutes les églises et chapelles de notre diocèse. Pendant les trois jours de ce Triduum qui aura lieu les 1er, 2 et 3 mai, après l'exercice du mois de Marie, … un salut solennel du Très saint-Sacrement sera donné. Après l'exposition, on chantera les Litanies des Saints avec les versets et oraisons Ad petendam pluviam, indiqués dans le Rituel. A la suite de ces oraisons, on ajoutera l'antienne ^6, le verset et l'oraison de l'office de Saint Gaudérique.

M.M les curés sont autorisés à faire, soit à l'extérieur, s'ils en ont la liberté, soit à l'intérieur de l'église une procession en l'honneur de Saint Gaudérique... Les reliques de saint Gaudérique seront exposées dans notre Cathédrale neuf jours. A partir du jour de la réception de cette lettre et pendant neuf jours consécutifs, tous les prêtres ajouteront aux oraisons de la messe, servatis rubricis, les collecte ⁷, secrète ⁸ et post communion ⁹: Ad petendam pluviam. »

Espérons que toutes ces mesures décidées par Monseigneur pour répondre à la demande de ses ouailles et convaincre le ciel de répandre des ondées bienfaisantes ont été efficaces. Il reste à découvrir d'autres sources de 1896 pour le confirmer ou l'infirmer.

La lettre est signée Noël, Evêque de Perpignan. Il s'agit de Monseigneur Noël, Mathieu, Victor, Marie Gaussail qui connaissait bien Caramany... mais nous en reparlerons dans un prochain article.

Additif du 30.08.2024 : Prier pour la pluie semble être un recours assez souvent utilisé. Lors de mes recherches aux Archives départementales, je suis tombé sur un article du journal La Croix des PO du 22 février 1925. Il précisait que " Monseigneur l'évêque verrait avec plaisir les prêtres faire des prières pour demander la pluie."

 Notes:

1. Un cyclone à Caramany, rubrique anecdotes.
2. Un premier hiver rude pour le Pont Rose, rubrique anecdotes
3. Le prix du vin à Caramany en 1893, rubrique anecdotes.
4. L'Êvêque évoque les aïeux, pourtant son prédécesseur, lui aussi, avait ordonné le 3 août 1882 des prières générales avec les oraisons ad petendam pluviam pour lutter contre la sécheresse qui sévissait cet été là.
5. Un triduum correspond à la célébration d'une seule fête (ici d'une même prière) sur trois jours. Dictionnaire CNRTL du site Lexilogos. (Le prédécesseur de Monseigneur Gaussail, Monseigneur Jean-Augustin-Emile Caraguel avait ordonné également un Triduum par lettre du 28 août 1884 avec exposition du Très Saint Sacrement et procession pour lutter contre une épidémie sur laquelle je n'ai pas trouvé plus de détails).
6. Une antienne est un verset précédant et suivant un psaume, dictionnaire CNRTL du site Lexilogos.
7. Une collecte est une courte prière rassemblant les intentions collectives de l'Eglise, des fidèles,etc... et que le célébrant lit avant l'épitre, dictionnaire CNRTL du site Lexilogos
8. Une secrète est une oraison que le prêtre dit tout bas à la messe avant la préface, dictionnaire Littré
9. Une post-communion est une prière que dit le prêtre après la prière de la communion, dictionnaire Littré

Source:

• Lettre circulaire, évêché de Perpignan

• Précédent : Un certain Bertran Caramañy
• Suivant : La vie de château à Caramany