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La crucifixion. Restauration d'un tableau du XVIII ème siècle.

Sous son clocher emblématique, déjà évoqué sur ce site, l’église Saint Etienne de Caramany dispose d’un patrimoine mobilier dont certains éléments sont remarquables.  C’est le cas, du maître autel en marbre, des fonds baptismaux, de quelques pièces du statuaire, d’une croix de procession  (XV-XVI ème siècle) ainsi que d’un tableau représentant la crucifixion du Christ. (À droite sur l’image ci-dessous)

Vue générale interieur de l'église St Etienne

Dans le cadre d’un programme de restauration du patrimoine, initié par le conseil général des Pyrénées-Orientales et, à la demande de la municipalité de Caramany (qui prend part au coût de l’opération1 à hauteur de 20%) ce tableau réalisé par un peintre anonyme a fait l’objet d’une attention particulière.

 A l’occasion de la restitution de l’œuvre, le 26 aout 2012 en présence de personnalités politiques2, de la municipalité du village et du curé de la paroisse (le père Olivier Nicque), Jean Bernard Mathon3  a fait un exposé sur les différentes phases de cette restauration. 

 Jean-Bernard Mathon a par ailleurs eu l’amabilité de nous fournir les illustrations de cet article qui se propose de restituer de manière succincte les différentes étapes de la restauration du tableau. Les informations contenues dans cet article sont issues du compte rendu édité par le « Centre de restauration et de conservation du patrimoine », organisme rattaché au Conseil général du département.

 Je recommande vivement la visite du site internet très documenté qui explique l’ensemble des activités du centre de restauration et témoigne l’attachement fort du Conseil Général à la sauvegarde du patrimoine culturel du Département :  centre de restauration

Tableau avant restaurationSur l’image ci-contre, on peut voir l’imposant tableau (environ 2,50 x 2,10 mètres) dans son état avant restauration. La toile est une peinture à l’huile du XVIIIème siècle. L’expertise de l’œuvre fait apparaitre que le cadre en bois sculpté qui la supporte actuellement n’est pas le cadre d’origine.

 En effet, datant du XVIIème siècle, il est donc antérieur à la toile qui a été réduite par pliage pour pouvoir s’y adapter, ce qui a pour conséquence d’en occulter une partie.

 L’hypothèse évoquée lors de la restitution, qui voudrait que cette toile appartenait initialement à un retable baroque aujourd’hui disparu, reste donc plausible.

 Les restaurateurs ont été confrontés à une toile dont le châssis était en très mauvais état. Les assemblages affaiblis par des attaques d’insectes ont occasionné une fragilisation de sa structure qui ne pourra pas rester en l’état.  

Ces altérations se traduisent par des assemblages défectueux et des manques importants de matière. Elles  n’ont  pas permis d’assurer à la toile une tension correcte et ont provoqué d’importantes déformations, plis, ventres et marquages bien visibles sur la face du tableau.

 

Le tableau en lumière rasanteL’utilisation de la lumière rasante permet de bien mettre en évidence ces nombreux défauts (ci -contre à droite).

Au niveau de la toile, les restaurateurs ont pu établir qu’elle n’avait pas fait l’objet d’interventions (masticages ou retouches) antérieures.

Ils ont par ailleurs constaté un affaiblissement des parties retournées sur le châssis lors du second encadrement.

Sur les replis, la toile desséchée et cassante laisse apparaitre de multiples déchirures ou manques qui sont toutefois de petites dimensions.

La couche de peinture, bien que présentant quelques défauts ponctuels d’adhésion et d’importantes craquelures dans les carnations (torse et jambe du Christ) présente une bonne cohésion générale.

En revanche la couche de protection (vernis) montre une altération qui caractérise un fort degré d’oxydation et se traduit par une coloration jaune orangée. D’importantes irrégularités dans l’épaisseur de la couche de vernis témoignent de nettoyages antérieurs réalisés sur certaines zones.

Enfin, apparaissent aussi de petites traces de peinture blanche et des gouttelettes de cire sur une surface globalement très encrassée.

 

La phase diagnostic achevée, les restaurateurs ont établi un programme spécifique dont les grandes lignes sont les suivantes :

-  Rétablissement des dimensions initiales de l’œuvre.

-  Rétablissement de l’axe vertical de la croix qui se présente légèrement de travers.

-  Consolidation des bords et de la périphérie de la toile.

-  Refixage général de la couche picturale.

-  Décrassage de la couche peinte et élimination des coulures et projections.

-  Dévernissage progressif.

-  Remise en tension de l’œuvre sur un nouveau châssis.

-  Comblage des lacunes, masticage et réintégration de couleurs.

-  Pose d’un vernis satiné.

On doit noter qu’au-delà de la toile, le châssis et le cadre font partie intégrante de l’œuvre. 

Partie du chassisLe châssis existant était en très mauvais état. Il présentait des zones fragilisées par des attaques d’insectes ou des manques importants de matière (image ci-contre).

Les restaurateurs ont donc opté pour un remplacement de ce dernier par un modèle neuf muni d’un dispositif  de tension réglable et régulée qui assurera durablement un bon maintien de la toile.

Le cadre, (doré à la feuille qui porte sept têtes d’angelots polychromes en ronde-bosse4), quant à lui, a fait l’objet de soins aussi méticuleux que ceux apportés à la remise en état de la toile.

Il est attribué à Pierre Charton, un sculpteur nomade qui a travaillé dans la région durant les dernières décennies du XVIIème siècle. La forme caractéristique du visage et de la tête des angelots a permis d’identifier ce sculpteur dont la « marque de fabrique » est  caractérisée par des visages portant des nez assez forts, des lèvres épaisses et des têtes présentant des boucles de cheveux aériennes et bien détachées.

trace de détériorationL’image ci-contre donne un exemple de l’état dans lequel  les restaurateurs ont trouvé les têtes d’angelots polychromes qui ornent le cadre.

  Ils ont constaté que ces têtes avaient été repeintes lors d’une précédente restauration et que le revêtement de couleur original était beaucoup plus intense, mais aussi plus fin et qu’il présentait des manques.

Compte tenu de ces remarques, la conservation et la restauration du cadre dans son aspect  actuel s’imposait.

 En dehors des sept angelots, le reste du cadre est constitué d’une moulure en bois qui représente une guirlande de feuillages et de boutons de fleurs. Cette moulure est dorée à la feuille d’or avec une alternance de polis et de non polis qui magnifie les reliefs.

 Le cadre présentait également des fentes d’assemblages dues à un affaiblissement par l’attaque d’insectes xylophages. Ces fentes ont dut être reprises par des opérations de collage et masticage.D’autres parties de la structure du cadre ont également fait l’objet d’interventions, principalement par des ajouts de renforts sur la partie arrière.

Le cadre, tout comme la toile, a subi un décrassage et un dépoussiérage avant la phase de traitement. 

 angelot avant restauration

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Les deux images ci-dessus montrent l’état d’origine et l’état après restauration d’une partie comportant une tête d’angelot. Elles illustrent l’important travail effectué tant au niveau des têtes elles-mêmes que des fissures du cadre.

Deux restauratrices affairées à leur minutieux travail de nettoyage du tableau.

restauratrices au travail

Le tableau dans son intégralité tel qu’il se présente après sa restauration

 L'oeuvre restaurée

 Aujourd’hui cette œuvre qui appartient aux habitants de Caramany a retrouvé sa place dans l’église Saint-Etienne. Un petit exposé sur sa restauration viendra désormais enrichir le passage dans l’église lors des visites guidées du village qu’organise notre association en période estivale depuis de nombreuses années.

  

Notes :

 1. Le coût total de la restauration s’élève à 9000 €

 2. Personnalités politiques présentes lors de la restitution du tableau :

     - Hermeline MALHERBE, Présidente du Conseil Général.

     - Guy ILARY, conseiller général du Canton de Latour de France et maire de Tautavel.

 3. Jean Bernard Mathon est responsable du centre de conservation et de restauration du patrimoine à la  « Direction du patrimoine et de la Catalanité ». Conseil général des Pyrénées-Orientales.

 4. La ronde-bosse est une technique de sculpture en trois dimensions, qui, contrairement aux haut-reliefs et aux bas-reliefs, n'est pas physiquement attachée à un fond mais est posée sur un socle. (définition wikipédia)

 Sources :

  •  Compte rendu de restauration. (Rapport d’examen et de traitement réalisé par Danièle Amoroso, Marie Connan et Alexandra Deneux).

 Images :

 Les images sont reproduites avec l’aimable autorisation de: 

Copyrignts: CG66 / CCRP / Dinh Thi Tien - Image Maker.  

 Sauf, vue générale (en tête d’article): Philippe Garcelon.