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Le parler "d'avant"
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- Publié le: 20/01/2022
- Auteur: Philippe Garcelon
« Sachez qu’il est inconvenant de parler patois » ! disait le maitre d’école.
Gérard Bergès, Carmagnol d’origine, nous a fait suivre un ouvrage intitulé « Proverbes du Fenouillèdes »*. La lecture de ce dernier, publié par les éditions du Chiendent à Marcevol (Ces éditions ont cessé leurs activités en 1990), nous a remémoré une partie de notre histoire récente ayant trait aux usages linguistiques locaux.
A une époque pas si lointaine encore, l’école de la République punissait fréquemment les jeunes élèves qui avaient le « malheur » (ou l’audace) de braver ses consignes, lorsqu’ils s’exprimaient en un « parler » pourtant largement répandu au sein des familles rurales.
Ainsi, plus de cent ans après le fait, dans la famille de mon épouse, il arrive encore que l’on fasse état de la « baffe magistrale » reçue par la jeune Louise Delonca (1890-1971), alors scolarisée à l’école primaire de Caramany et qui un jour avait commis l’impardonnable en laissant fuser une expression en « patois » alors qu’elle jouait avec ses camarades durant la récréation…
La rigueur républicaine qui défendait un français « académique » avait pourtant bien du mal, encore au début du dernier siècle, à contenir l’usage des dialectes locaux au profit de la langue « officielle ».
Notre occitan est historiquement, une langue parlée. C’est probablement pour cette raison que ses transcriptions, dans divers écrits régionaux, s’avèrent principalement issues de la phonétique et des tournures verbales. En effet, elle s’affranchit allègrement de la rigueur syntaxique ou orthographique qui définit le français « officiel ». Et si son champ lexical peut nous sembler réduit, il est amplement compensé par les intonations, le jeux des contextes et les tournures qui en dérivent, parfois propres à un village, une famille ou même un personnage (relire l'article : Les surnoms d'autrefois)
En relisant certains textes écrits en dialecte occitan local, on les comprend pourtant fort bien et même les tournures, souvent caractéristiques d’une zone géographique restreinte, prennent à nos oreilles une coloration qui dépasse amplement leur sens littéral, en ce qu’elles nous transportent au sein même des foyers « d’avant » où elles étaient usitées. Ainsi, grâce à ces textes devenus rares de nos jours, ce souvenir de nos aïeux rappelle à bien d’entre nous leurs jours les plus tendres.
L'ouvrage « Proverbe du Fenouillèdes » est un recueil qui reprend des proverbes et expressions issues de la culture traditionnelle du Fenouillèdes. La bonne surprise est qu’outre ces proverbes, il reprend également des poèmes écrits par Jules Laforgue (Photo ci-dessous. retouchée et colorisée sous Photoshop) puisqu’il était considéré comme le chansonnier du village.
Ses reprises de Gaston Ouvrard « j’ai la rate qui se dilate » ou de Dranem « J’ai mis du papier collant », ainsi que ses mimiques et autres facéties, faisaient la joie de tous lorsqu’il montait sur scène en reprenant ces chansons issues du répertoire de la « grande guerre » ou en jouant du parapluie affublé d'un nez rouge.
Les extraits que nous proposons ici présentent la particularité d’être écrits à la fois en « patois » et dans leur traduction en français.
Le premier texte proposé dans cet article est intitulé « Nostre Carmaing ». Il a été écrit pour être repris en musique sur l’air de « Notre Paris » interprété dans les années 30 par Joséphine Baker.
Le second texte se veut plus philosophique puisqu’il s’intitule : « Le progrès est un abus ». Il dénonce les rapports à l’argent et l’orgueil qui fait agir certains…
Ainsi nous pouvons constater que Jules Laforgue possédait une certaine maitrise de l’écriture et une forme de sagesse, probablement plus discrètes et moins spectaculaires que ses pitreries musicales. On aurait fort bien pu dire de lui : « canto « coum’un roussignol » mais, pour être exhaustif, relativement à la découverte de ses textes, il aurait fallu y rajouter « Aquel maïnatgé tén boun cap » .
Notes:
Jules Laforgue : Profession vigneron (27-01-1907 à Caramany / 07-06-1992 à Ille-sur-Têt)
*« Proverbes du Fenouillèdes ». Auteur : François Fabre. Publié le 20 mai 1981, pour le compte de l’association Amitiés 3ème Age Nord Fenouillèdes.
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